La poésie de la résistance

Texte 1 Louis Aragon 

"Strophes pour se souvenir"

Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants 
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans 
Vous vous étiez servi simplement de vos armes 
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes 

Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants 
L'affiche qui semblait une tache de sang 
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles 
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir français de préférence 

Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant 
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants 
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE 
Et les mornes matins en étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre

À la fin février pour vos derniers moments 
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre 
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant


Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent :
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps 

Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant 
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.



Introduction : 



1- Présenter l'auteur :
L. Aragon (1897-1982) poète du Xxème siècle ,
mouvement litt. ( le surréalisme ). Son mariage avec
Elsa Triolet a marqué son œuvre car il a écrit pour elle
Les Yeux d'Elsa, //

2- Introduire le texte :
il a pris position pour les résistants pendant la 2nde guerre
mondiale ce qui lui a inspiré des poèmes comme « Strophes
pour se souvenir » ds le recueil Le roman inachevé
thème : 23 résistants qui ont été capturés par la police française
et exécutés par les nazis / poème complexe : 2 énonciations ( le
poète s'adresse aux résistants morts // lettre de Manouchian à
sa femme)

3- LIRE LE TEXTE

4- Pbmatique : une question qui permet d'analyser le texte
sous un angle un peu précis


 5- Annonce du plan 

Pbmatique Comment le poète fait-il revivre le souvenir des résistants ?
    I- La recréation du passé
A- Le poète fait revivre la tragédie du réseau de Michel Manouchian

1- Les actes de résistance v4 Vous vous étiez servi de vos armes »
= actes de sabotage / leur courage v5

2- Le démantèlement du réseau : et leur condamnation à mort
11 ans plus tôt v3 : répétition de « onze ans »

3- les adieux du chef du réseau à sa femme Mélinée

a) le poète qui reprend les mots de Manouchian écrivant à sa femme :
rôle de la lettre ? amour / tristesse / désir qu'elle soit heureuse
b) le poète célèbre la nature « Adieu la vie Adieu les roses Adieu le
soleil et le vent » v 26 Anaphore = registre lyrique

4- L'exécution des résistants :
a) repères spatio-temporels : l'hiver «  mornes matins » v17, « tout avait
la couleur uniforme du givre » v 19
b) l'exécution elle-même «  qd les fusils fleurirent »

B- Le poète rappelle le contexte historique

1 -L'occupation nazie :

a) l'existence des résistants //
b)la peur du peuple français cf. v14 « les gens allaient ss yeux pour vous le jour durant »
c) allusion au couvre-feu : heure limite pour rentrer chez soi

2- la propagande nazie :

a) diffusion massive de l'Affiche rouge cf v 9 /
« Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants » = on les montre comme s'ils étaient dangereux
b) Mais la propagande ne fonctionne pas complètement : v16 « Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants (un hypallage = personnes qui agissent de manière furtive) / Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE » = 2 catégories de personnes ( les collabos et les autres)

II- La célébration du passé

A- En les faisant revivre

1- Le poète s'adresse aux résistants comme s'ils étaient vivants pp « vous » // lyrisme présent à travers les anaphores
2- En rappelant leurs exploits : ils ont donné leur vie pour la libération de la France.



B-En réhabilitant leurs actions 




Texte 2 : Louis Aragon -La Diane française, « Ballade de 

celui qui chanta dans les supplices »- 1946


Et s'il était à refaire
Je referais ce chemin
Une voix monte des fers
Et parle des lendemains


On dit que dans sa cellule
Deux hommes cette nuit-là
Lui murmuraient "Capitule
De cette vie es-tu las


Tu peux vivre tu peux vivre
Tu peux vivre comme nous
Dis le mot qui te délivre
Et tu peux vivre à genoux"


Et s'il était à refaire
Je referais ce chemin
La voix qui monte des fers
Parle pour les lendemains


Rien qu'un mot la porte cède
S'ouvre et tu sors Rien qu'un mot
Le bourreau se dépossède
Sésame Finis tes maux


Rien qu'un mot rien qu'un mensonge
Pour transformer ton destin
Songe songe songe songe
A la douceur des matins


Et si c'était à refaire

Je referais ce chemin
La voix qui monte des fers
Parle aux hommes de demain


J'ai tout dit ce qu'on peut dire

L'exemple du Roi Henri
Un cheval pour mon empire
Une messe pour Paris


Rien à faire Alors qu'ils partent
Sur lui retombe son sang
C'était son unique carte
Périsse cet innocent


Et si c'était à refaire
Referait-il ce chemin
La voix qui monte des fers
Dit je le ferai demain


Je meurs et France demeure
Mon amour et mon refus
O mes amis si je meurs
Vous saurez pour quoi ce fut


Ils sont venus pour le prendre
Ils parlent en allemand
L'un traduit Veux-tu te rendre
Il répète calmement


Et si c'était à refaire
Je referais ce chemin
Sous vos coups chargés de fers
Que chantent les lendemains


Il chantait lui sous les balles
Des mots sanglant est levé
D'une seconde rafale
Il a fallu l'achever


Une autre chanson française
A ses lèvres est montée
Finissant la Marseillaise
Pour toute l'humanité



 Introduction :

*Situation du texte   Le texte : « ballade pour celui qui chanta dans les supplices » est un poème d’Aragon écrit sous le pseudonyme de Jacques Destaing durant la seconde guerre mondiale il fut publié à la libération lorsque la censure allemande n’avait plus aucune pression. Il est écrit en hommage à Gabriel Péri, résistant du premier réseau français et rédacteur du journal L’humanité, qui fut fusillé au Mont-Valérien à Paris en 1941.
            Ce poème utilise une forme poétique médiévale : la ballade, forme fixe caractérisée par un vers court (moins de huit syllabes)et un refrain :« et si c’était à refaire… », dont on relève cinq occurrences.
Le titre de ce poème : « ballade de celui qui chanta dans les supplices » s’explique par une dédicace à Gabriel Péri et par la fin du poème où le résistant chante la Marseillaise sous les balles « sanglant s’est levé », une autre chanson française associée à l’humanité fait référence à l’Internationale(l’hymne communiste).
Cette ballade se présente sous la forme d’une narration , en effet c’est le récit d’un résistant arrêté puis torturé, à qui l’on propose un marché vivre à genoux, parler et donc trahir « rien qu’un mot… » ou se taire et mourir.

 Problématique :
Comment Aragon utilise-t-il l’esthétique de la poésie pour transmettre un message d’espoir aux hommes de demain, et dénoncer la collaboration. ? 

 Les autres problématiques possibles pour ce texte :
Quelles sont les deux notions essentielles qui s’opposent dans ce texte ? que traduisent –elles ?
Montrez comment Aragon utilise la poésie comme une arme pacifique ?
La ballade d’Aragon est un hommage aux résistants ; par quels procédés le montre-t-il? 


I- La tentation de faire parler, ou la torture morale.

 A- En effet ce dernier prend la forme d’un récit pour donner plus de puissance et de force à l’épreuve que subit ce résistant.

1-L’acharnement, le martèlement, traduit par les anaphores (figure de répétition et d’insistance) reproduit dans ce poème l’acharnement et l’obstination des bourreaux qui veulent absolument obtenir un nom une adresse, et tente

2-La paronomase :  Prendre ;[p]Rendre, traduit une fois encore l’acharnement du milicien qui jusqu’au dernier moment va tenter de faire fléchir le résistant.

B- Les mots clés,

1- vivre ; des mots clés tels que « vivre » dont on relève 4 occurrences dans la strophe 3 qui une fois de plus traduit l’obstination des bourreaux, à quoi le résistant répond (strophe 11)« je meurs » (deux occurrences )

2- Autre mot clé : dis, dit quatre fois dans les strophes 2,3,8 et 10 il faut préciser que le seul impératif : « dis»,est prononcé par le milicien, (strophe 3) l’impératif traduit l’ordre la violence de son propos, le résistant répond par la musique de son refrain : « et si c’était à refaire… » la première occurrence est celle du narrateur « on dit »(strophe 2),le troisième est prononcé par le prisonnier, parole de lassitude  et d’incompréhension devant cette évidence jamais il ne trahira« j’ai tout dit », puis la voix du résistant dit : « je le ferai demain ». comme pour affirmer encore ses convictions.

3-mot. ..cette figure d’insistance met en valeur le caractère obtus et borné des bourreaux. C’est ainsi que l’on relève l’anaphore de l’expression: « rien qu’un mot… ».L’adverbe « rien » répété quatre fois (dans les strophes 5 et 6)par les bourreaux qui tentent de minimiser la trahison, de fait un nom, c’est quoi ? ce n’est rien, pour eux en comparaison de la vie. La régularité de cette répétition reproduit le martèlement de la torture infligée, est soulignée en particulier par le parallélisme de la strophe 6: « rien qu’un mot, rien qu’un mensonge »

exemples historiques en rappelant des circonstances précises où la trahison a servie des hommes d’état. Et la référence au roi Henri IV qui déclara que « Paris vaut bien une messe » et abjura solennellement sa religion, est claire dans la strophe 8 « une messe pour Paris ».

C-La tentation, le démon.

 1- C’est alors la douceur de la vie qu’on lui oppose : « De cette vie es-tu las ? », cela sous entend n’as-tu pas quelques amours amitiés ? alors, les bourreaux deviennent diables et tentation : l’allitération en[s] de la strophe 6 vers 3 « songe, songe, songe, songe » reproduit le sifflement du serpent tentateur qui a déjà perdu une fois l’humanité. Et pourrais bien signifier la chute.

2- C’est une représentation bien cynique des beautés de la vie : comment peut-on encore apprécier la douceur des matins lorsque l’on a sur la conscience la mort de ses amis et de milliers d’autres ?! Une dernière fois « rien à faire… » un innocent ne peut vivre qu’il périsse (strophe 9).


II- L’héroïsme du résistant.

  A-Sa foi en l’avenir (le refrain)

1- Mais à ce « rien qu’un mot … »le résistant oppose le même refus « si c’était à refaire je referais ce chemin.. » le poète joue sur la polyptote (autre figure d’insistance) qui consiste à reprendre un terme en lui faisant subir des variations morphologiques (c’est le cas ici)  de nombre ou de personne.

2-Ce refrain évolue un peu plus chaque fois et apporte une touche d’espoir et un peu plus de précision, ce sont tout d’abord « des lendemains », le déterminant est indéfini c’est vague et général mais au refrain suivant le déterminant devient défini et ce sont « les lendemains », de même les lendemains qui symbolisent la vie deviennent les hommes de demain c’est la transmission de la vie, par et au-delà de sa mort car même si la sienne s’arrête là, d’autres  voix s’élèveront pour continuer son combat, il les sauve en ne les livrant pas.

le refrain s’achève toujours par le terme demain ou lendemain = avenir.

B-abnégation du résistant, qui pense à un avenir qu’il ne connaîtra pas.

 1- le silence du résistant qui s'oppose au harcèlement verbal des tortionnaires : confiance et foi inébranlable, il est seul physiquement seul mais se sait des millions. Les autres sont trois mais se savent impuissants face à une telle détermination ce qui renforce leur haine. Aragon encore une fois joue sur le paradoxe : le prisonnier est libre, les bourreaux sont prisonniers de leur acharnement.
2- totale abnégation, puisqu’il se bat, se projette dans un monde futur où il n’aura plus de place, par son refus de trahir il signe son arrêt de mort, mais donne l’exemple d’un homme libre et juste qui choisit de mourir pour que vivent les autres et que le combat continue. D’ailleurs chacun de ses refrains s’achèvent sur le mot « demain ». De plus s’il prend essentiellement la parole lors de ce refrain, lorsque l’heure de sa mort approche il explique son choix dans la strophe 11 :
« Je meurs et France demeure
Mon amour et mon refus
ô mes amis si je meurs
Vous saurez pourquoi ce fut ».
Toujours sur un rythme binaire, récurrent dans la ballade, le condamné implicitement demande à ses amis de poursuivre sa voie pour que s’entende à nouveau la voix de la Liberté. 
« mon amour et mon refus » = un amour de la France qui le conduit à mourir plutôt que de trahir son pays. « Vous saurez pourquoi ce fut »indique clairement que sa mort = la liberté pour eux, on sait que « mes amis »fait référence aux autres résistants qu’il ne veut pas à son tour condamner. Il faut rajouter que le « O » incantatoire donne le ton du message, et traduit le côté dramatique de la situation, c’est aussi le lyrisme patriotique  qui s’élève à travers lui. Mais bientôt il laisse la parole non plus aux bourreaux mais au narrateur homme libre et engagé tout comme lui, c’est dans cet esprit de liberté malgré la mort que s’achève le récit d’un sacrifice.


 III- Le message d’Aragon aux hommes de demain.

A- un double langage

1- poème polyphonique : les différentes voix : la voix des bourreaux : les miliciens, les allemands. (qu'ils soient français : les miliciens ou allemands  c'est le sens du vers « ils parlent allemand » = les autres parlaient français , il s'agissait dc de collaborateurs, de miliciens.) celle du prisonnier, celle du narrateur qui prend la parole dès la deuxième strophe « on dit que.. »un peu à la manière d’un conte d’ailleurs le lecteur retrouve cette référence culturelle à la strophe5 (Sésame).

2-un tableau de la collaboration. la vie « à genoux »+ rime » genoux / comme nous » permet à Aragon de dénoncer la délation la collaboration qui sévissait alors et créait en France un climat de suspicion et de méfiance
3-Polysémie et jeux de mots : ( un mot pour soulager les maux, humanité).

B-le message d’Aragon.(lyrisme patriotique).

1-Croire en l’avenir continuer la chanson.= la voix de Gabriel Péri et d’Aragon = tous les résistants.(Aragon est un poète engagé cela se traduit dans ces voix il dénonce les tortures , les dénonciations.) La parole du narrateur est aussi celle de Gabriel Péri et celle de tous les résistants cela se traduit par le choix du pronom « on » indéfini qui va généralisé englobé tous ces hommes courageux qui ne vivent que pour mourir pour la France. C’est le lyrisme universel. Alors que paradoxalement le « je » lyrique qui traduit les sentiments du prisonnier renforce l’atmosphère pathétique.

2-Un hommage aux résistants, un monument aux mots puisque ces
martyrs n’ont pas de monuments aux morts. De même dans la dernière strophe le courage du héros n’est pas sans rappeler celui des récits épiques dans lesquels les actions des héros sont magnifiées, on songe ainsi à l’épisode de la mort de Roland ou à celle de son ami Olivier, lors de la bataille de Roncevaux, dans La chanson de Roland : chanson de geste qui se transmettait oralement, les contraintes des récits épiques se retrouve donc dans cette ballade puisque Aragon donne à voir un grand héros national, qui même sous le feu des balles n’oppose encore à cette violence qu’une chanson « il chantait sous les balles »(strophe 14) :
« une autre chanson française[…] pour toute l’humanité »,
qui des années après touche et émeut encore le lecteur avec la même sensibilité. Le sentiment d’universalisme et de monumentum est donc bien ancré : défendre et mourir pour la noble cause restera toujours la seule vérité, la seule Liberté.
 Enfin et surtout pour que ces morts ne soient pas inutiles et servent d’exemple à tous ceux qui défendent avec conviction leurs idées.A travers ce poème c’est un véritable monument aux mots qu’il leur érige puisque beaucoup n’ont pas alors encore de monument aux morts.

 Conclusion.

1) Louis Aragon fait en sorte que ce poème s’adresse à tous ceux qui résistent il donne ainsi la parole aux résistants. A travers le double langage il dénonce la collaboration :« tu peux vivre à genoux comme nous ». Ce poème dramatique qui salut l’héroïsme et le refus des résistants à trahir, est surtout un témoignage des sévices subis

2)Ouverture.(lien avec d’autres œuvres connues, d’autres textes du corpus etc.)
Dans ce contexte historique particulier ces hommes libres et justes qui se sacrifiaient pour que vivent la liberté et la dignité ont énormément inspiré les poètes engagés tels Aragon bien sûr qui dans un autre texte « la Rose et le réséda » rend à nouveau hommage à tous ces hommes et plus particulièrement au groupe Manouchian ds « Strophes pour se souvenir »

Texte 3

Paul Eluard "Courage"in Le rendez-vous allemand, 1944

Paris a froid Paris a faim anaphore de Paris
Paris ne mange plus de marrons dans la rue
Paris a mis de vieux vêtements de vieille
Paris dort tout debout sans air dans le métro
Plus de malheur encore est imposé aux pauvres
Et la sagesse et la folie
De Paris malheureux
C'est l'air pur c'est le feu
C'est la beauté c'est la bonté
De ses travailleurs affamés
Ne crie pas au secours Paris
Tu es vivant d'une vie sans égale
Et derrière la nudité
De ta pâleur de ta maigreur
Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux
Paris ma belle ville
Fine comme une aiguille forte comme un épée
Ingénue et savante
Tu ne supportes pas l'injustice
Pour toi c'est le seul désordre
Tu vas
te libérer Paris
Paris tremblant comme une étoile
Notre espoir survivant
Tu vas te libérer de la fatigue et la boue
Frères ayons du courage
Nous qui ne sommes pas casqués
Ni bottés ni gantés ni bien élevés
Un rayon s'allume en nos veines
Notre lumière nous revient
Les meilleurs d'entre nous sont morts pour nous
Et voici que leur sang retrouve notre cœur
Et c'est de nouveau le matin un matin de Paris
La pointe de la délivrance
L'espace du printemps naissant
La force idiote a le dessous
Ces esclaves nos ennemis
S'ils ont compris
S'ils sont capables de comprendre
Vont se lever.

Paris a froid Paris a faim anaphore de Paris
Paris ne mange plus de marrons dans la rue
Paris a mis de vieux vêtements de vieille
Paris dort tout debout sans air dans le métro
Plus de malheur encore est imposé aux pauvres
Et la sagesse et la folie
De Paris malheureux
C'est l'air pur c'est le feu
C'est la beauté c'est la bonté
De ses travailleurs affamés
Ne crie pas au secours Paris
Tu es vivant d'une vie sans égale
Et derrière la nudité
De ta pâleur de ta maigreur
Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux
Paris ma belle ville
Fine comme une aiguille forte comme un épée
Ingénue et savante
Tu ne supportes pas l'injustice
Pour toi c'est le seul désordre
Tu vas
te libérer Paris
Paris tremblant comme une étoile
Notre espoir survivant
Tu vas te libérer de la fatigue et la boue
Frères ayons du courage
Nous qui ne sommes pas casqués
Ni bottés ni gantés ni bien élevés
Un rayon s'allume en nos veines
Notre lumière nous revient
Les meilleurs d'entre nous sont morts pour nous
Et voici que leur sang retrouve notre cœur
Et c'est de nouveau le matin un matin de Paris
La pointe de la délivrance
L'espace du printemps naissant
La force idiote a le dessous
Ces esclaves nos ennemis
S'ils ont compris
S'ils sont capables de comprendre
Vont se lever.



Lecture Analytique « Courage » in Au Rendez-vous allemand

Biographie de Paul Eluard : 1895-1952 ; de son vrai nom, Eugène GRINDEL ; Il choisira, à l’adolescence, le nom de Paul Eluard, hérité de sa grand-mère , Félicie. écrit ses premières poésies à 18 ans car atteint de tuberculose il est obligé d'interrompre ses études et publiera de nombreux poèmes d’amour, en hommage aux femmes qu’il a aimées (Gala, Nush, Dominique) ; sera mobilisé et infirmier pendant la 2nde Guerre ; rencontre ARAGON ; est séduit par le surréalisme ; anti fasciste ; entre dans la Résistance ; y dirige le Comité National des écrivains pour la zone nord ; en 1943 ; publications clandestines ; adhère au P.C., alors clandestin ; lutte pour la liberté par des textes engagés (ex. Au Rendez-vous allemand, 1944 ).
Présenté à André Breton et Louis Aragon avec lequel il entretiendra toute sa vie une relation extrêmement profonde, aussi conflictuelle (notamment autour du communisme) que prolifique, mais toujours riche, il entre dans le groupe dadaïste à Toulon. (Dada, dit aussi dadaïsme, est un mouvement intellectuel, littéraire et artistique qui, entre 1916 et 1925, se caractérisa par une remise en cause, à la manière de la table rase, de toutes les conventions et contraintes idéologiques, artistiques et politiques.
Malgré la 1ère guerre mondiale, Dada connut une rapide propagation internationale.
Ce mouvement a mis en avant l'esprit d'enfance, le jeu avec les convenances et les conventions, le rejet de la raison et de la logique, l'extravagance, la dérision et l'humour. Ses artistes se voulaient irrespectueux, extravagants, affichant un mépris total envers les « vieilleries » du passé comme celles du présent qui perduraient. Ils recherchaient la plus grande liberté de créativité, pour laquelle ils utilisèrent tous les matériaux et formes disponibles. Ils recherchaient également cette liberté dans le langage, qu'ils aimaient lyrique et divers.

-  le titre du poème, « Courage »  : un seul mot, un nom commun, qui vient du nom « cœur » (au sens figuré) ; incitation à tenir bon, à être ferme (devant le danger, devant la souffrance) ; synonymes : bravoure, cran, stoïcisme, héroïsme, vaillance, audace, témérité ; invitation à ne pas être lâche, à résister (face à l’occupant, à l’ennemi, dans la France en guerre)… Ce simple mot est une exhortation, un engagement que lance ELUARD à ses compatriotes, ses « frères » (reprise du terme au vers 25)… Titre significatif : il s’agit d’un appel lancé ici par le poète, un appel à la force morale ; volonté de redonner aux hommes de l’ardeur, de l’énergie, une raison de vivre et de lutter.

-  le sujet du poème : exaltation de la capitale, symbole de la patrie meurtrie (recueil publié en 1942), aux heures les plus sombres de l’Occupation ; une façon de parler de la vie douloureuse des Parisiens pendant la guerre.

Introduction : 

Ce poème intitulé « 
Courage » est un extrait du recueil Au rendez-vous allemand publié en 1944. Son auteur est Paul Eluard, de son vrai nom Eugène Grindel (1895 – 1952) est un poète français qui a joué un rôle important au sein du mouvement réaliste et qui s'est engagé dans la résistance lors de la seconde guerre mondiale. Il a écrit entre autre Poèmes pour la paix en 1918 et La vie immédiate en 1932. Dans ce poème, Paul Eluard pousse le peuple parisien à se révolter contre l'ennemi (…)
Problématique :
Nous étudierons les images de Paris suggérées par Eluard puis nous montrerons comment le poète exprime son émotions et incite ses concitoyens à la révolte.
Quelle image de Paris Eluard communique-t-il au lecteur  et comment incite-t-il ses concitoyens à la révolte ?
I) Paris qui souffre : E. parvient à communiquer son émotion
II) L'éloge de Paris
III) L'appel à la révolte : le poète exhorte ses compatriotes au courage


I- Paris qui souffre
Eluard consacre une grande partie de son poème à l’évocation de la capitale de la France et des conditions de vie des parisiens.

A- Les conditions de vie imposées aux français par l'armée allemande


  1- La faim et la maladie : ce thème est récurent : « Paris a faim » / « Paris ne mange pas »/ « ses travailleurs affamés » v 10 //v 14 « ta maigreur » « ta pâleur 
2- Le froid est renforcé par le fait des vieux vêtements v3 « Paris a mis de vieux vêtements de vieille » // «  la nudité »v13
3- la ccl : « plus de malheurs sont imposés aux pauvres » v 5

B- La personnification de Paris


1-Le nom de Paris est reprit 11 fois au début ou en fin de vers, c’est une anaphore. Cela donne l’impression d’une prière, une incantation dédiée à la ville  « Paris ne mange plus »,  « Paris ma belle ville »,   « Paris à froid, Paris à faim ».
2-Paris est confondue avec ses habitants. Le poète emploie dans ses propos le vocabulaire des sensations comme « la faim » vers 1, « le froid » vers 1, ou « la fatigue » vers 24, ainsi que le vocabulaire des sentiments « Et la sagesse et la folie / De Paris malheureux »...




II- L'éloge de Paris

A- Paris symbole de la France meurtrie

1-Des vers 11 à 24, le poète s’adresse directement à la ville comme à une personne avec « tu ».
2-amour pour la patrie et pour la ville : présence du lyrisme :
a)sa beauté v 16 « Paris ma belle ville » /
b)sa culture v 18 « ingénue et savante » : c'est une ville de culture
c)sa vie v 12 «  Tu es vivant d'une vie ss égale » et v 15
3- Les valeurs de Paris = les valeurs françaises « Tu ne supportes pas l'injustice » v 19 = le refus de l'injustice .l'armée allemande n'a pas apporté l'ordre mais le désordre car elle a apporté l'injustice. Allusion à l'histoire ici v 20 « Pour toi c'est le seul désordre »

B- Apparente faiblesse mais forte en fait : deux images

1- Première image : «  et derrière la nudité de ta pâleur et de ta maigreur/ Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux » : les yeux sont symboliquement le reflet de l'âme dc l'âme de Paris est belle même si son apparence est misérable
2-Deuxième image : la double comparaison « Fine comme une aiguille forte comme une épée » renforcée par la construction parallèle. : sa faiblesse n'est qu'une apparence
3- Ambiguïté du genre : à la fois féminine et masculine : parfois féminine comme aux vers 17 et 18 mais aussi masculine v 12 cad forte

C- Injonction à prendre courage

1- utilisation de la défense : « Ne crie pas au secours Paris » v 11
2- l'espoir avec l'anaphore « Tu vas te libérer » au vers 21 et 24
3- Injonction à se libérer de la peur « Paris tremblant comme une étoile » v22 comparaison et allusion certainement aux juifs contraints à porter l'étoile jaune (étoile de David) et de la « fatigue » v24 cad de l 'acceptation fataliste et « la boue », métaphore qui désigne le mal, la collaboration, la dénonciation etc.

III-L'appel à la révolte : le poète exhorte ses compatriotes au courage

A- Appel à la fraternité et au courage

1-changement d'énonciation : le poète s'inclut ds cx qui doivent prendre courage cad avoir du cœur (le mot courage est formé sur cœur autrefois le cœur était vu comme le siège de la volonté)
2- Appel aux civils : les définit par ce qu'ils ne sont pas : ni bottes, ni casques, ni gants comme les soldats allemands. Le courage les a peut-être quittés mais leur revient « Notre lumière nous revient »v 29
B- Le rappel du sacrifice héroïque des résistants

1- le sacrifice des résistants qui ont donné leur vie n'est pas vain car ils donnent l'ex, «  Les meilleurs d'entre nous sont morts pour nous »
2- tracent la voie « leur sang retrouve notre cœur » : leur sang versé retrouve le coeur cad redonne du courage aux autres

C- La fin programmée de « la force idiote »

1- allusion à l'histoire : en 1944, l'armée allemande donne des signes de faiblesse en particulier sur le front de l'est.
2-l'espoir renaissant d'un monde libéré du nazisme : champ lexical de l'espoir « délivrance », « printemps », « matin », « naissant » et de la lumière « rayon », « s'allume », « notre lumière »
3- l'espoir de voir les « esclaves » se libérer. Ces esclaves, ce sont clairement les collaborateurs, ils sont désignés comme les véritables ennemis « nos ennemis ». Cet espoir est conditionnel mais montré presque comme une certitude « s'ils comprennent », « s'ils sont capables de comprendre / Vont se lever »

Conclusion :
Il s'agit d'un poème en vers libres, plus précisément en vers blancs (cad ss qu'il y ait de rimes) mais d'où pourtant l'aspect lyrique n'est pas absent : à travers Paris comme symbole de la France occupée, le poète à travers le lyrisme de son écriture et les images poétiques qu'ils emploie, sait susciter une émotion. Son poème d'éloge devient appel à la résistance face aux ennemis allemands qui faiblissent, face aux ennemis intérieurs, les collaborateurs dont il espère qu'ils « vont se lever ».
(Un vers libre est un vers qui n'obéit pas à une structure régulière : ni mètre, ni rimes, ni strophes. De son côté, le vers traditionnel observe un nombre fixe de syllabes par vers et de vers par strophe.)
Cependant, le vers libre conserve certaines caractéristiques du vers traditionnel :

  • la présence d’alinéas d’une longueur inférieure à la phrase ;
  • la présence de majuscules en début de ligne, mais pas toujours ;
  • une mise en page laissant respirer les blancs ;
  • des séquences de vers de dimensions variables séparées par un saut de ligne ;
  • des longueurs métriques variables mais repérables ;
  • des effets d’enjambement ;
  • des échos sonores ;

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