Premiere

Objet d'étude  1 : La poésie, la quête du sens

Texte 1  Baudelaire Les Fleurs du Mal , Spleen et Idéal «La chevelure»

Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure !
Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !
Extase ! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir !

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !
Comme d'autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum.

J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l'ardeur des climats ;
Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève !
Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :

Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur ;
Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse
Dans ce noir océan où l'autre est enfermé ;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir embaumé !

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m'enivre ardemment des senteurs confondues
De l'huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?

Baudelaire Le Spleen de Paris  XVII
UN HÉMISPHÈRE DANS UNE CHEVELURE


        Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l’odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage, comme un homme altéré dans l’eau d’une source, et les agiter avec ma main comme un mouchoir odorant, pour secouer des souvenirs dans l’air.
        Si tu pouvais savoir tout ce que je vois ! tout ce que je sens ! tout ce que j’entends dans tes cheveux ! Mon âme voyage sur le parfum comme l’âme des autres hommes sur la musique.
        Tes cheveux contiennent tout un rêve, plein de voilures et de mâtures ; ils contiennent de grandes mers dont les moussons me portent vers de charmants climats, où l’espace est plus bleu et plus profond, où l’atmosphère est parfumée par les fruits, par les feuilles et par la peau humaine.
       Dans l’océan de ta chevelure, j’entrevois un port fourmillant de chants mélancoliques, d’hommes vigoureux de toutes nations et de navires de toutes formes découpant leurs architectures fines et compliquées sur un ciel immense où se prélasse l’éternelle chaleur.
       Dans les caresses de ta chevelure, je retrouve les langueurs des longues heures passées sur un divan, dans la chambre d’un beau navire, bercées par le roulis imperceptible du port, entre les pots de fleurs et les gargoulettes rafraîchissantes.
       Dans l’ardent foyer de ta chevelure, je respire l’odeur du tabac mêlé à l’opium et au sucre ; dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l’infini de l’azur tropical ; sur les rivages duvetés de ta chevelure je m’enivre des odeurs combinées du goudron, du musc et de l’huile de coco.
       Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordille tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs. 




Comme ds «Parfum exotique» qui est l’un des premiers poèmes de «Spleen et Idéal», Baudelaire part d’un lieu intimiste «l’Alcôve» pour ensuite décrire une vision exotique née d’une sensation olfactive. Le parfum des cheveux de la femme aimée fait naître en lui une vision et lui rappelle des souvenirs heureux qui renforcent l’extase des moments passés avec elle. Mais contrairement à «Parfum exotique» qui est un sonnet, le poème «La chevelure» est composé de sept quintils en alexandrins.

Pbmatique : En quoi ce poème montre-t-il que la femme est pour Baudelaire un vecteur privilégié pour atteindre l’Idéal ?



I- La chevelure permet un voyage des sens qui permet de réaliser une unité par le biais des correspondances

A- un voyage qui fait appel aux sens

1- Une prédominance des sensations olfactives : c’est le parfum de la chevelure qui fait voyager le poète : «Ô parfum chargé de nonchaloir» / « forêt aromatique» / «nage sur ton parfum» / «A grands flots le parfum» / «loisir embaumé» / «senteurs confondues /De l'huile de coco, du musc et du goudron». / «je hume»

2- Cependant les sensations visuelles sont également très présentes : de nbses couleurs sont présentes ds le poème :

a) prédominance de noir car la chevelure est décrite « Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues» v

b) Mais aussi le bleu de «l’azur» de «du saphir»

c) le rouge du «rubis»



B- et aux correspondances

1- Comme ds le poème «Correspondances», les sensations sont rapprochées «mon âme peut boire,/ A grands flots le parfum, le son et la couleur»v 17 cependant les sensations auditives ne sont représentées que par le mot «port retentissant» v16

2- Le poème entier est une grande métaphore :

a) la chevelure subit de nbses métamorphoses de par sa couleur et son aspect: 1 un animal : «toison moutonnant» / 2 des objets : «un mouchoir»parfumé, «la gourde», un drapeau «pavillon de ténèbres tendues» 3- un continent «la langoureuse Asie et la brûlante Afrique» / 4- à la mer «Fortes tresses, soyez la houle»v 13 et «noir océan» v22 /5- un lieu de repos : «Un port retentissant»v16 ou «l’oasis»v34

C- un poème qui évoque directement l’extase amoureuse

1- forme incantatoire du poème :

a) rythmes ( enjambements),

b) rimes : 3 rimes identiques ds chq strophe + 2 autres identiques

c) l’invocation à travers la répétition du «ô» lyrique + exclamatives x7

2- Une évocation érotique:

a) un rapprochement corporel



«Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse / Dans ce noir océan» v

«Et mon esprit subtil que le roulis caresse/ Saura vous retrouver, ô féconde paresse,

l’acte sexuel : «ma main dans ta crinière»= la métaphore suggère l’animalité de la femme //Infinis bercements» v  : le rythme du roulis peuvent évoquer les balancements de l’acte sexuel

le don du poète à sa belle : «sèmera le rubis, la perle et le saphir» «pour qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde»

b) Le champ lexical de l’extase : «extase» v / «je m’enivre» v / «ma tête amoureuse d'ivresse»/ «J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève, /Se pâment» v / «le vin du souvenir»



II- Un voyage spirituel

A- un voyage rêvé

1- un ancrage spatio-temporel clair : une chambre / un soir «ce soir l'alcôve obscure» v

2- La chevelure est vue comme le vecteur d’une évasion ( comme le «sein chaleureux» pouvait l’être ds «Parfum exotique») qui permet de faire renaître les souvenirs heureux, mais à travers son parfum

3- un voyage exotique :

a) marqué par un climat idéal : un ciel toujours bleu «D'un ciel pur» la chaleur «où frémit l'éternelle chaleur.»

b) des lieux évocateurs : «la langoureuse Asie et la brûlante Afrique»

B- et qui permet d’atteindre l’ Idéal

1- Récurrence du mot «esprit nage » x2 / «mon âme peut boire» x1 = l’esprit et l’âme sont incarnés en voyageurs qui se désaltèrent

2- Présence du thème du rêve : ch lex du rêve «un éblouissant rêve», «n’es-tu pas l’oasis où je rêve et la gourde où je hume à longs traits le vin du souvenir» =le rêve est par définition marqué par l’idéalisation.

3- Evocation d’un monde marqué par l’infini et la profusion

a) la fécondité «J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève, /Se pâment» v

b) la profondeur : «Tout un monde lointain, absent, presque défunt, énumération
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique» « noir océan» = il s’agit ici de faire revivre des souvenirs que le temps aurait estompés.

c) l’infini : l’emploi d’adv impliquant une idée d’absolu comme «jamais sourde», «longtemps» «toujours»/ «Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond»= ces 2 adj suggèrent la plénitude



C- L’Idéal est aussi atteint à travers l’écriture du poème lui-même qui joue finalement le même rôle évocatoire que la chevelure.

«ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir embaumé



Texte 2 : "L'invitation au voyage" poème et poème en prose


 "Le Spleen de Paris", "Petits Poèmes en Prose", "L'Invitation au voyage","Classiques Larousse", XVIII,
page 34, Editions de La Pléiade, XVIII, page 30
Note de Claude Pichois, page 1322-1323 : Paru pour la première fois en 1857 dans "Le Présent". A
rapprocher de la pièce des "Fleurs du Mal" qui porte de le même titre, mais qui est antérieure.
"Il est un pays superbe, un pays de Cocagne, dit-on, que je rêve de visiter avec une vieille amie.
Pays singulier, noyé dans les brumes de notre Nord, et qu’on pourrait appeler l’Orient de l’Occident, la
Chine de l’Europe, tant la chaude et capricieuse fantaisie s’y est donné carrière, tant elle l’a
patiemment et opiniâtrement illustré de ses savantes et délicates végétations.
Un vrai pays de Cocagne, où tout est beau, riche, tranquille, honnête ; où le luxe a plaisir à se
mirer dans l’ordre ; où la vie est grasse et douce à respirer ; d’où le désordre, la turbulence et l’imprévu
sont exclus ; où le bonheur est marié au silence ; où la cuisine elle-même est poétique, grasse et
excitante à la fois ; où tout vous ressemble, mon cher ange.
Tu connais cette maladie fiévreuse qui s’empare de nous dans les froides misères, cette
nostalgie du pays qu’on ignore, cette angoisse de la curiosité ? Il est une contrée qui te ressemble, où
tout est beau, riche, tranquille et honnête, où la fantaisie a bâti et décoré une Chine occidentale, où la
vie est douce à respirer, où le bonheur est marié au silence. C’est là qu’il faut aller vivre, c’est là qu’il
faut aller mourir !
Oui, c’est là qu’il faut aller respirer, rêver et allonger les heures par l’infini des sensations. Un
musicien a écrit l’Invitation à la valse ; quel est celui qui composera l’Invitation au voyage, qu’on puisse
offrir à la femme aimée, à la soeur d’élection ?
Oui, c’est dans cette atmosphère qu’il ferait bon vivre, — là-bas, où les heures plus lentes
contiennent plus de pensées, où les horloges sonnent le bonheur avec une plus profonde et plus
significative solennité.
Sur des panneaux luisants, ou sur des cuirs dorés et d’une richesse sombre, vivent discrètement
des peintures béates, calmes et profondes, comme les âmes des artistes qui les créèrent. Les soleils
couchants, qui colorent si richement la salle à manger ou le salon, sont tamisés par de belles étoffes ou
par ces hautes fenêtres ouvragées que le plomb divise en nombreux compartiments. Les meubles sont
vastes, curieux, bizarres, armés de serrures et de secrets comme des âmes raffinées. Les miroirs, les
métaux, les étoffes, l’orfévrerie et la faïence y jouent pour les yeux une symphonie muette et
mystérieuse ; et de toutes choses, de tous les coins, des fissures des tiroirs et des plis des étoffes
s’échappe un parfum singulier, un revenez-y de Sumatra, qui est comme l’âme de l’appartement.
Un vrai pays de Cocagne, te dis-je, où tout est riche, propre et luisant, comme une belle
conscience, comme une magnifique batterie de cuisine, comme une splendide orfévrerie, comme une
bijouterie bariolée ! Les trésors du monde y affluent, comme dans la maison d’un homme laborieux et
qui a bien mérité du monde entier. Pays singulier, supérieur aux autres, comme l’Art l’est à la Nature,
où celle-ci est réformée par le rêve, où elle est corrigée, embellie, refondue.
Qu’ils cherchent, qu’ils cherchent encore, qu’ils reculent sans cesse les limites de leur bonheur, ces
alchimistes de l’horticulture ! Qu’ils proposent des prix de soixante et de cent mille florins pour qui
résoudra leurs ambitieux problèmes ! Moi, j’ai trouvé ma tulipe noire et mon dahlia bleu !
Fleur incomparable, tulipe retrouvée, allégorique dahlia, c’est là, n’est-ce pas, dans ce beau pays si
calme et si rêveur, qu’il faudrait aller vivre et fleurir ? Ne serais-tu pas encadrée dans ton analogie, et
ne pourrais-tu pas te mirer, pour parler comme les mystiques, dans ta propre correspondance ?
Des rêves ! toujours des rêves ! et plus l’âme est ambitieuse et délicate, plus les rêves l’éloignent du
possible. Chaque homme porte en lui sa dose d’opium naturel, incessamment sécrétée et renouvelée, et, de la naissance à la mort, combien comptons-nous d’heures remplies par la jouissance positive, par
l’action réussie et décidée ? Vivrons-nous jamais, passerons-nous jamais dans ce tableau qu’a peint
mon esprit, ce tableau qui te ressemble ?
Ces trésors, ces meubles, ce luxe, cet ordre, ces parfums, ces fleurs miraculeuses, c’est toi.
C’est encore toi, ces grands fleuves et ces canaux tranquilles. Ces énormes navires qu’ils charrient, tout
chargés de richesses, et d’où montent les chants monotones de la manœuvre, ce sont mes pensées qui dorment ou qui roulent sur ton sein. Tu les conduis doucement vers la mer qui est l’Infini, tout en réfléchissant les profondeurs du ciel dans la limpidité de ta belle âme ; — et quand, fatigués par la houle et gorgés des produits de l’Orient, ils rentrent au port natal, ce sont encore mes pensées enrichies qui reviennent de l’infini vers toi."



Les Fleurs du Mal "Spleen et Idéal" «L’Invitation au voyage»


Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !


Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.


Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.


Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,


Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.


Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.


Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
– Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.


Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté



Pbmatique : Qu’est-ce qui fait l’intérêt de cette réécriture en prose du poème «L’invitation au voyage» ?


I- On trouve bien sûr des points communs

A- De nombreux thèmes communs
1- de l’exotisme :
a) un lieu peu clairement défini P : Les soleils mouillés/ De ces ciels brouillés» PeP : «Chine occidentale» , «appeler l’Orient de l’Occident, la Chine de l’Europe»
b)Venise ? P : «canaux» «vaisseaux» = il s’agit d’un port // PeP : «quand, fatigués par la houle et gorgés des produits de l’Orient, ils rentrent au port natal»
2- du luxe et du raffinement : « Luxe» ou «Des meubles luisants,/ Polis par les ans», «Les riches plafonds, Les miroirs profonds,/La splendeur orientale» ,ds le P // PeP «Ces énormes navires qu’ils charrient, tout chargés de richesses» ou «une magnifique batterie de cuisine, comme une splendide orfévrerie, comme une bijouterie bariolée ! Les trésors du monde»
3- de l’harmonie et de L’amour :
a)peut-être charnel : P «notre chambre» «vivre ensemble !/ Aimer à loisir, /Aimer et mourir» // PeP : « ce sont mes pensées qui dorment ou qui roulent sur ton sein», si le mot «sein» évoque l’érotisme, le mot «pensées» suggère que cette sensualité est plus rêvée que réelle, «offrir à la femme aimée»
b) mais plus encore spirituel et idéalisé : P «mon enfant ma soeur» PeP : «vieille amie» «mon cher ange»

B- La femme est ici comme svt chez B le vecteur de la rêverie et le tremplin de la métamorphose du réel par l’Art.
1- Ds le poème : par le biais d’une comparaison : «Au pays qui te ressemble ses yeux sont assimilés «aux soleils brouillés» et les «cieux brouillés» aux «traîtres yeux pleins de larmes»
2- Ds le P e P : le vbe «ressemble» X2 «tout vous ressemble mon cher ange»


II- Mais aussi des différences comme si le PeP était une sorte de commentaire poétique du poème initial:

A- La composition

1- Un poème composé avec bcp de soin : 3 strophes séparées par un refrain
a)1ère strophe le poète invite sa bien-aimée à une rêverie «Songe»
b)2nde Strophe : le rêve se met en place par le biais de l’imagination : emploi du conditionnel «décorerait» ou «tout y parlerait»
c) 3ème strophe : impératif «vois» : le rêve devient réalité
2- La composition du PeP suit plus ou moins celle du poème ( désir du départ avec la femme-sœur vers un pays mystérieux et exotique/ évocation du luxe et de la végétation / évocation d’un port ) mais certains thèmes sont infiniment plus développés : le rêve, l’art, les fleurs et les correspondances.

B-la femme se métamorphose par le biais de plusieurs métaphores : l’insistance est bcp plus marquée ds PeP

1- La métaphore du pays : «Ces trésors, ces meubles, ce luxe, cet ordre, ces  parfums, ces fleurs miraculeuses, c’est toi. C’est encore toi, ces grands fleuves et ces canaux tranquilles

2- La métaphore de la fleur : «Moi, j’ai trouvé ma tulipe noire et mon dahlia bleu !» :
a) la tulipe est une fleur importée de Turquie au 16ème siècle, ici la tulipe noire est une référence au roman de d’Alexandre Dumas La Tulipe noire, ds lequel un horticulteur réussit à créer une tulipe noir ébène. Pour B, cette expression montre plutôt que cette femme est sa muse ( son inspiratrice)
b) «le dahlia bleu» est également une fleur impossible
= ttes ces métaphores sont présentées par B lui-même comme des correspondances ( cf. poème «Correspondances» ds Fleurs du Mal) «Ne serais-tu pas encadrée dans ton analogie, et ne pourrais-tu pas te mirer, pour parler comme les mystiques, dans ta propre correspondance ?»

C- de l’art :
1- la transfiguration du réel à travers le rêve : le raffinement du rêve est vu comme une délicatesse de l’âme. «Des rêves ! toujours des rêves ! et plus l’âme est ambitieuse et délicate, plus les rêves l’éloignent du possible.»

2- Le rêve est vu comme une étape vers l’Art qui viendrait 

transfigurer le réel : «Pays singulier, supérieur aux autres, comme 

l’Art l’est à la Nature, où celle-ci est réformée par le rêve, où elle est corrigée, embellie, refondue= B subit l’influence parnassienne = l’Art est vu comme supérieur à la Nature.





Texte 3 : « Harmonie du soir » de Baudelaire dans Les Fleurs du mal

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige


Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;


Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;


Valse mélancolique et langoureux vertige !




Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;


Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige ;


Valse mélancolique et langoureux vertige !


Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.





Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,


Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir !


Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;


Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.




Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,


Du passé lumineux recueille tout vestige !


Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...


Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !



Introduction :

- présentation de l’auteur : cf. vos notes et biographie de Baudelaire

-présentation du poème : Dans ce poème le thème de la fleur-poème réapparaît mais acquiert une valeur positive contrairement au titre même du recueil de Baudelaire. Ici la fleur, produit exquis de la nature, métaphore de la femme semble le lieu privilégié des correspondances verticales : entre la terre et le ciel. Ce poème par sa forme poétique orientale faite de retours de mots et de sons devient propre à susciter d'abord un envoûtement puis un dépassement des sensations physiques au profit d'un souvenir.

-Pbmatique : Comment le poète utilise-t-il la forme régulière et répétitive du pantoum pour suggérer la transformation des sensations en souvenir spiritualisé ?
  1. Une forme particulière
    A- forme fixe orientale :
1- Ses origines : le pantoum La forme fixe du pantoum, ou plus exactement pantoun, Cette forme est arrivée en France avec Hugo " Les orientales " et elle est définie par Théodore de Banville (proche ami de Baudelaire et de Gautier / parnassien) dans son Petit traité de Poésie Française.

2- Ses caractéristiques formelles :
a)Le pantoun consiste en une suite de quatrains (d'octosyllabes ou de décasyllabes - le même mètre est conservé dans tout le poème.) où s'appliquent deux systèmes de reprises :
  • le deuxième et le quatrième vers de chaque strophe sont repris respectivement comme premier et troisième vers de la strophe suivante,
  • le tout dernier vers du poème reprend le premier.
b)L'alternance des rimes masculines et féminines impose un nombre de quatrains pair. Le nombre de quatrains est illimité, mais doit être supérieur à six.
Cette forme permet de donner au poème une musicalité particulière très typée.
c)La particularité vraiment originale du pantoum réside dans le sens : il développe dans chaque strophe, tout au long du poème, deux idées différentes :
  • La première idée, contenue dans les deux premiers vers de chaque strophe, est généralement extérieure et pittoresque.
  • La deuxième idée, contenue dans les deux derniers vers de chaque strophe, est généralement intime et morale.
3- une forme adaptée
utilisation de deux rimes seulement, en " oir " (rime masculine) et " ige " (rime féminine), ce qui crée, avec la complicité des rimes embrassées, un sentiment d’harmonie et de régularité.

       B- « Harmonie du soir », un faux pantoum : très irrégulier, il déroge aux règles sur bien des points fondamentaux :
  1. - il ne développe qu'un seul thème ;
  2. - il est en alexandrins ;
  3. - les rimes des quatrains sont croisées et non embrassées;
  4. - il ne possède que deux rimes, une rime féminine et une rime masculine ;
  5. - il ne possède que quatre strophes ;
  6. - son dernier vers diffère du premier.
En fait seule la reprise des vers apparente ce poème aux pantoums. Baudelaire lui-même ne l'a jamais qualifié de pantoum. Mais cette reprise est très signifiante car les vers repris n’ont pas la même signification selon leur place dans le poème.

 II. Vertige des sens et des sensations

A- le vertige
1-La reprise des deux mêmes rimes en -oir et en -ige crée un effet lancinant ; au-delà de l’harmonie, le poème devient une sorte de tourbillon d’images et de sensations, ce qui est exprimé par les vers 3 et 4. // la reprise des vers dans le poème crée une sorte de vertige.
2- De nombreuses assonances et allitérations.

B- les différents sens sont associés

1-la vue : « fleur » " beau " ; " luit comme un " / « ciel » / « soleil » / « lumineux »/ « reposoir »/ « noir »/ « dans son sang qui se fige », métaphore pour désigner un moment précis du coucher de soleil = On a l’impression que Baudelaire peint un tableau.

2-l’odorat : " s’évaporer " ; " encensoir " ; " parfums tournent dans l'air »

3-l’ouïe : " valse " ; " violon frémit "+ ttes les assonances et allitérations+ retours rimiques

Ces diverses sensations se répondent comme dans Correspondances : c’est l’illustration des synesthésies (= correspondances dites horizontales entre les sens). « Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir/ Valse lancolique et // langoureux vertige » = chiasme sonore doublé d’un chiasme syntaxique (N -adj//adj – N) et d’un chiasme pour le sens . De plus les mots « valse » et « vertige » commencent par un -V et sont proches par le sens, de même « mélancolique » et « langoureux » sont à la fois associés par le sens et par les sonorités, très proches.

C- passage au malaise
1-Ce vertige, agréable au 1er quatrain, tourne à la tristesse au second puis au malaise //que le soir tombe et que le soleil disparaît vers 12 et 15. « du passé lumineux recueille les vestiges »
2-La dualité est toujours présente chez l’auteur : le plaisir des sensations mêlées et l'angoisse de la nuit / du néant, peut-être de la mort // le mouvement de la « valse » des sens ( l'ivresse, la joie) laisse la place à l'immobilité «  se fige » (de la nuit / de la mort)

III. Le spleen baudelairien

  A- La lumière acquiert ici une dimension religieuse

1- Le poète se fit prophète : " voici venir le temps où " est une injonction biblique, prophétique

2- La nature est le lieu du sacré :
-« chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir » : le parfum de la fleur est comparé à celui de l'encens, censé élever vers le ciel, le spirituel
- « Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir » : la nature est le lieu de l’adoration mais marqué par une antithèse « triste et beau »

3- Dimension sacrée du sentiment amoureux : champ lexical " ostensoir " " reposoir " " encensoir " permettent de donner une dimension religieuse au texte. « Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir » : autre comparaison qui associe le souvenir de la femme aimée avec l'adoration due au Christ lui même à travers l'eucharistie. La femme( ou bien le soleil) est donc adoré(e) au même titre que Dieu lui même.

B- Mais sa disparition est vécue de manière tragique par le poètel:

1-La tristesse et l’ombre apparaissent dans le 2nd quatrain : champ lexical de la tristesse : « mélancolique » / « frémit » (personnification du violon) / « afflige » : on a l'impression que le violon pleure / « triste » mais cette tristesse se mue en une angoisse au 3ème quatrain :
dans le vers 10 " néant vaste et noir " : quasi paronymie de néant et noir

2- Le coucher du soleil est associé à l'idée de mort violente «  Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige » // personnification du soleil, métaphore du Christ sacrifié ? Allitération en -S

3-la lumière est associée au passé " passé lumineux " et au souvenir " ton souvenir [...] luit "

Pour le poète, inutile de vivre le présent, englouti dans les ténèbres.




  Conclusion
1- Dans « Harmonie du soir », on observe une triple évolution :

-temporelle, du crépuscule à la nuit
- spatiale, du mouvement à l’immobilité
- affective, avec le passage de la perception agréable à la souffrance, puis au souvenir de la femme aimée.

2- Rappeler la réécriture de B de ce poème en un poème en prose « Le crépuscule du soir » Donnez son avis personnel sur le poème et sur la forme d’écriture.



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