Terminale L
L'épreuve de Littérature en terminale
Quelques conseils
1- Traiter les 2 questions ( IMPERATIF), en commençant de préférence par celle qui porte sur 12 pts
2- Rédiger une introduction, un développement et une conclusion pour chaque question : vous devez donc au brouillon faire un plan de vos idées avant de vous jeter tête baissée dans la rédaction. Vous annoncerez votre plan à la fin de votre introduction, comme pour une dissertation normale.
3- Ne vous contentez pas du cours : pensez à apprendre qqs citations de la nouvelle ou du film par ex qui montreront votre excellente connaissance des œuvres
4- Vous devez soigner votre expression : il s'agit d'une épreuve de littérature !
Nature des épreuves cf. IO ( Instructions Officielles)
Méthodologie de l’épreuve
Épreuve écrite obligatoire,
série L - Durée : 2 heures - Coefficient : 4
Objectifs de l'épreuve
L'épreuve permet d'évaluer les compétences mentionnées dans le programme. Cette évaluation se fonde sur les éléments suivants :
- la connaissance des œuvres et de la perspective d'étude définie par le programme ;
- l'aptitude à prendre en compte des problématiques ; les questions
- la clarté, la pertinence et la cohérence des propos ;
- la mise en œuvre de savoirs littéraires et culturels : les citations d’auteurs ou de critiques sont fortement valorisées.
- la justesse et la correction de l'expression.
Nature de l'épreuve
Les candidats traitent un sujet portant sur un domaine d'étude du programme.
Le sujet peut s'appuyer sur un texte littéraire ou critique, ou sur un document iconographique, pour engager la réflexion des candidats.
Les candidats sont invités à répondre, de façon construite et organisée, en deux développements successifs, à deux questions :
- la première question sur
8 pts porte sur un
aspect de l'œuvre ou des œuvres du programme limitatif,
en relation avec le domaine d'étude retenu. En aucun cas, elle ne
porte sur les œuvres recommandées en lecture complémentaire ;
- la deuxième question sur 12 pts porte sur l'ensemble de l'œuvre ou des œuvres du programme limitatif, en relation avec le domaine d'étude retenu. Ex : La Princesse de Montpensier, la nouvelle et le film mais elle ne peut porter sur l’ensemble des objets d’étude.
- la deuxième question sur 12 pts porte sur l'ensemble de l'œuvre ou des œuvres du programme limitatif, en relation avec le domaine d'étude retenu. Ex : La Princesse de Montpensier, la nouvelle et le film mais elle ne peut porter sur l’ensemble des objets d’étude.
Il s’agit en fait de deux
petites dissertations : on attend une introduction, un
développement et une conclusion.
LA
PRINCESSE
DE
MONTPENSIER.
PENDANT
que la guerre civile déchirait la France sous le règne de
Charles IX,
l’amour
ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres, et d’en
causer beaucoup dans son empire. La fille unique du marquis de
Mézière,
héritière
très-considérable,
et par ses grands biens, et par l’illustre
maison d’Anjou,
dont elle était descendue, était promise au duc du Maine, cadet du
duc de Guise, que l’on
a depuis appelé le
Balafré.
L’extrême
jeunesse de cette grande héritière
retardait son mariage, et cependant le duc de Guise, qui la voyait
souvent, et qui voyait en elle les commencements d’une
grande beauté, en devint amoureux, et en fut aimé. Ils
cachèrent leur amour avec beaucoup de soin.
Le duc de Guise, qui n’avait
pas encore autant d’ambition
qu’il
en a eu depuis, souhaitait ardemment de l’épouser ;
mais la crainte du cardinal de Lorraine, qui lui tenait lieu de père,
l’empêchait
de se déclarer. Les choses étaient en cet état, lorsque la maison
de Bourbon, qui ne pouvait voir qu’avec
envie l’élévation
de celle de Guise, s’apercevant
de l’avantage
qu’elle
recevrait de ce mariage, se résolut de le lui ôter
et d’en
profiter elle-même, en faisant épouser cette héritière
au jeune prince de Montpensier. On travailla à l’exécution
de ce dessein avec tant de succès, que les parents de mademoiselle
de Mézière,
contre les promesses qu’ils
avaient faites au cardinal de Lorraine, se résolurent de la donner
en mariage à ce jeune prince. Toute la maison de Guise fut
extrêmement surprise de ce procédé ;
mais le duc en fut accablé de douleur, et l’intérêt
de son amour lui fit recevoir ce
manquement de parole comme un affront insupportable.
Son ressentiment
éclata
bientôt,
malgré les réprimandes du cardinal de Lorraine et du duc d’Aumale,
ses oncles, qui ne voulaient pas s’opiniâtrer
à une chose qu’ils
voyaient ne pouvoir empêcher ;
et il s’emporta
avec tant de violence,
en présence même du jeune prince de Montpensier, qu’il
en naquit entre eux une haine qui ne finit qu’avec
leur vie.
Mademoiselle de Mézière,
tourmentée par ses parents d’épouser ce prince,
voyant d’ailleurs
qu’elle
ne pouvait épouser le duc de Guise, et connaissant par sa vertu
qu’il
était dangereux d’avoir
pour beau-frère un homme qu’elle
eût
souhaité pour mari, se résolut enfin de suivre le sentiment de ses
proches et conjura M. de
Guise de ne plus apporter d’obstacle
à son mariage. Elle épousa donc le prince de Montpensier qui, peu
de temps après, l’emmena
à
Champigni,
séjour
ordinaire des princes de sa maison, pour l’ôter
de Paris où
apparemment
tout l’effort
de la guerre allait tomber. Cette grande ville était menacée
d’un
siège
par l’armée
des huguenots, dont le prince de Condé était le chef, et qui venait
de déclarer la guerre au roi pour la seconde fois. Le prince de
Montpensier, dans sa plus tendre jeunesse, avait
fait une amitié très
particulière avec le comte de Chabanes, qui était un homme d’un
âge
beaucoup plus avancé que lui, et d’un
mérite extraordinaire.
Ce
comte avait été
si sensible à l’estime
et à la confiance de ce jeune prince, que, contre les engagements
qu’il
avait avec le prince de Condé, qui lui faisait espérer des emplois
considérables dans le parti des huguenots, il se déclara pour les
catholiques, ne pouvant se résoudre à être
opposé
en quelque chose à un homme qui lui était si cher.
Ce changement de parti n’ayant
point d’autre
fondement, l’on
douta qu’il
fût
véritable,
et la reine-mère,
Catherine de Médicis,
en eut de si grands soupçons
que, la guerre étant déclarée
par les huguenots, elle eut
dessein de le faire arrêter ;
mais le prince de Montpensier l’en
empêcha
et emmena Chabanes à Champigni
en s’y
en allant avec sa femme.
Le comte, ayant l’esprit
fort doux et fort agréable, gagna bientôt
l’estime
de la princesse de Montpensier, et en peu de temps, elle n’eut
pas moins de confiance et d’amitié
pour lui, qu’en
avait le prince son mari.
Chabanes,
de son côté,
regardait avec admiration tant de beauté,
d’esprit
et de vertu qui paraissaient en cette jeune princesse ;
et, se servant de l’amitié
qu’elle
lui témoignait
pour lui inspirer des sentiments d’une
vertu extraordinaire et digne de la grandeur de sa naissance, il la
rendit en peu de temps une des personnes du
monde les plus achevées.
Le prince étant
revenu à la cour, où
la
continuation de la guerre l’appelait,
le
comte demeura seul avec la princesse, et continua d’avoir
pour elle un respect et une amitié proportionnés
à
sa
qualité
et
à
son mérite. La confiance s’augmenta
de part et d’autre,
et
à tel point du côté
de la princesse de Montpensier, qu’elle
lui apprit l’inclination
qu’elle
avait eue pour M. de
Guise ;
mais elle lui apprit aussi en même-temps qu’elle
était
presque éteinte, et qu’il
ne lui en restait que ce qui était nécessaire pour défendre
l’entrée
de son cœur à une autre inclination, et que, la vertu se joignant à
ce reste d’impression,
elle n’était capable que d’avoir
du mépris pour ceux qui oseraient avoir de l’amour
pour elle. Le
comte, qui connaissait la sincérité
de cette belle princesse, et qui lui voyait d’ailleurs
des dispositions si opposées à la faiblesse de la galanterie, ne
douta point de la vérité
de ses paroles, et néanmoins il ne put se défendre de tant de
charmes qu’il
voyait tous les jours de si près. Il devint passionnément amoureux
de cette princesse ;
et, quelque honte qu’il
trouvât
à
se laisser surmonter, il fallut céder et l’aimer
de la plus violente et de la plus sincère passion qui fut jamais.
S’il
ne fut pas maître
de son cœur, il le fut de ses actions. Le changement de son âme
n’en
apporta point dans sa conduite, et personne ne soupçonna
son amour. Il prit un soin exact, pendant une année entière, de le
cacher à la princesse, et il crut qu’il
aurait toujours le même désir de le lui cacher. L’amour
fit en lui ce qu’il
fait en tous les autres ;
il lui donna l’envie
de parler, et, après tous les combats qui ont accoutumé de se faire
en pareilles occasions, il osa lui dire qu’il
l’aimait,
s’étant bien préparé
à essuyer les orages dont la fierté de cette princesse le
menaçait ;
mais il trouva en elle une tranquillité et une froideur pires mille
fois que toutes les rigueurs à quoi il s’était attendu.
Elle ne prit pas la peine de se mettre en colère
contre lui. Elle lui représenta
en peu de mots la différence de leurs qualités et de leur âge,
la connaissance particulière qu’il
avait de sa vertu et de l’inclination
qu’elle
avait eue pour le duc de Guise, et sur-tout ce qu’il
devait à l’amitié
et
à
la confiance du prince son mari.
Le comte pensa mourir à ses pieds de honte et de douleur.
Elle tâcha
de le consoler en l’assurant
qu’elle
ne se souviendrait jamais de ce qu’il
venait de lui dire, qu’elle
ne se persuaderait jamais une chose qui lui était si désavantageuse
et qu’elle
ne le regarderait jamais que comme
son meilleur ami.
Ces assurances consolèrent le comte, comme on se le peut imaginer.
Il
sentit le mépris des paroles de la princesse dans toute leur
étendue, et, le lendemain, la revoyant avec visage aussi ouvert que
de coutume, son affliction en redoubla de la moitié ;
le procédé
de
la princesse ne la diminua pas. Elle vécut
avec lui avec la même
bonté
qu’elle
avait accoutumé. Elle lui reparla, quand l’occasion
en fit naître
le discours, de l’inclination
quelle avait eue pour le duc de Guise ;
et, la renommée
commençant
alors à publier les grandes qualités qui paraissaient en ce prince,
elle lui avoua qu’elle
en sentait de la joie, et qu’elle
était
bien aise de voir qu’il
méritait
les sentiments qu’elle
avait eus pour lui. Toutes
ces marques de confiance, qui avaient été
si
chères
au comte, lui devinrent insupportables. Il n’osait
pourtant le témoigner à la princesse, quoiqu’il
osât
bien la faire souvenir quelquefois de ce qu’il
avait eu la hardiesse de lui dire.
Après
deux années d’absence,
la paix étant faite, le prince de Montpensier revint trouver la
princesse sa femme, tout couvert de la gloire qu’il
avait acquise au
siège de Paris et à la bataille de Saint-Denis.
Il fut surpris de voir la beauté de cette princesse dans une si
grande perfection, et, par le sentiment d’une
jalousie qui lui était naturelle, il en eut quelque chagrin,
prévoyant bien qu’il
ne serait pas seul à la trouver belle. Il
eut beaucoup de joie de revoir le comte de Chabanes, pour qui son
amitié n’était
point diminuée. Il lui demanda confidemment des nouvelles de
l’esprit
et de l’humeur
de sa femme, qui lui était quasi une personne inconnue, par le peu
de temps qu’il
avait demeuré avec elle. Le comte, avec une sincérité
aussi exacte que s’il
n’eût
point été
amoureux, dit au prince tout ce qu’il
connaissait en cette princesse capable de la lui faire aimer ;
et il avertit aussi madame de Montpensier de toutes les choses
qu’elle
devait faire pour achever de gagner le cœur et l’estime
de son mari.
Enfin,
la passion du comte le portait si naturellement à ne songer qu’à
ce qui pouvait augmenter le bonheur et la gloire de cette princesse,
qu’il
oubliait sans peine l’intérêt
qu’ont
les amants à empêcher que les personnes qu’ils
aiment ne soient dans une parfaite intelligence avec leurs maris.
La paix ne fit que paraître.
La guerre recommença
aussitôt,
par le dessein qu’eut
le roi de faire arrêter
à
Noyers le prince de Condé et l’amiral
de Châtillon ;
et, ce dessein ayant été
découvert,
l’on
commença
de nouveau les préparatifs de la guerre, et le prince de Montpensier
fut contraint de quitter sa femme, pour se rendre où
son
devoir l’appelait.
Chabanes
le suivit à la cour, s’étant entièrement justifié auprès de la
reine. Ce
ne fut pas sans une douleur extrême qu’il
quitta la princesse, qui, de son côté,
demeura
fort triste des périls où
la
guerre allait exposer son mari. Les chefs des huguenots s’étaient
retirés
à
La Rochelle. Le Poitou et la Saintonge étant dans leur parti, la
guerre s’y
alluma fortement, et le roi y rassembla toutes ses troupes. Le duc
d’Anjou,
son frère, qui fut depuis Henri III,
y acquit beaucoup de gloire par plusieurs belles actions, et entre
autres par la bataille de Jarnac, où
le
prince de Condé fut tué.
Ce fut dans cette guerre que le duc de Guise commença
à
avoir des emplois considérables et à faire connaître
qu’il
passait de beaucoup les grandes espérances qu’on
avait conçues
de lui. Le prince de Montpensier, qui le haïssait,
et comme son ennemi particulier, et comme celui de sa maison, ne
voyait qu’avec
peine la gloire de ce duc, aussi bien que l’amitié
que lui témoignait le duc d’Anjou.
Après
que les deux armées se furent fatiguées par beaucoup de petits
combats, d’un
commun consentement on licencia les troupes pour quelque temps. Le
duc d’Anjou
demeura à Loches, pour donner ordre à toutes les places qui eussent
pu être attaquées. Le duc de Guise y demeura avec lui ;
et le prince de Montpensier, accompagné du comte de Chabanes, s’en
retourna à Champigni,
qui n’était pas fort éloigné de là. Le duc d’Anjou
allait souvent visiter les places qu’il
faisait fortifier. Un jour qu’il
revenait à Loches par un chemin peu connu de ceux de sa suite, le
duc de Guise, qui se vantait de le savoir, se mit à la
tête
de la troupe pour servir de guide ;
mais, après
avoir marché quelque temps, il s’égara et se trouva sur le bord
d’une
petite rivière, qu’il
ne reconnut pas lui-même. Le duc d’Anjou
lui fit la guerre de les avoir si mal conduits ;
et, étant arrêtés
en ce lieu, aussi disposés
à
la joie qu’ont
accoutumé de l’être de jeunes princes, ils aperçurent
un petit bateau qui était arrêté
au milieu de la rivière, et, comme elle n’était pas large, ils
distinguèrent aisément dans ce bateau trois ou quatre femmes, et
une entre autres qui leur sembla fort belle, qui était habillée
magnifiquement, et qui regardait avec attention deux hommes qui
pêchaient auprès d’elles.
Cette aventure donna une nouvelle joie à ces jeunes princes et à
tous ceux de leur suite. Elle
leur parut une chose de roman.
Les uns disoient au duc de Guise, qu’il
les avait égarés
exprès pour leur faire voir cette belle personne, les autres, qu’il
fallait, après ce qu’avait
fait le hasard, qu’il
en devînt
amoureux ;
et le duc d’Anjou
soutenait que c’était lui qui devait être son amant. Enfin,
voulant pousser l’aventure
à bout, ils firent avancer dans la rivière de leurs gens à cheval,
le plus avant qu’il
se put, pour crier à cette dame que c’était monsieur d’Anjou
qui eût bien voulu passer de l’autre
côté
de l’eau
et qui priait qu’on
le vînt
prendre. Cette dame, qui était la princesse de Montpensier,
entendant dire que le duc d’Anjou
était là et ne doutant point, à la
quantité
des gens qu’elle
voyait au bord de l’eau,
que ce ne fût lui, fit avancer son bateau pour aller du côté
où
il
était. Sa bonne mine le lui fit bientôt
distinguer des autres ;
mais elle distingua encore plutôt
le duc de Guise :
sa vue lui apporta un trouble qui la fit un peu rougir et qui la fit
paraître
aux yeux de ces princes dans
une beauté qu’ils
crurent surnaturelle.
Le duc de Guise la reconnut d’abord,
malgré le
changement avantageux qui s’était fait en elle depuis les trois
années qu’il
ne l’avait
vue.
Il dit au duc d’Anjou
qui elle était, qui
fut honteux d’abord
de la liberté qu’il
avait prise ;
mais, voyant madame de Montpensier si
belle,
et cette aventure lui plaisant si fort, il se résolut de l’achever ;
et, après mille excuses et mille compliments, il
inventa une affaire considérable, qu’il
disait avoir au-delà de
la rivière,
et accepta l’offre
qu’elle
lui fit de le passer dans son bateau. Il y entra seul avec le duc de
Guise, donnant ordre à tous ceux qui les suivaient d’aller
passer la rivière
à
un autre endroit, et de les venir joindre à Champigni, que madame de
Montpensier leur dit qui n’était qu’à deux lieues de là.
Sitôt
qu’ils
furent dans le bateau, le duc d’Anjou
lui demanda à quoi ils devaient une si agréable rencontre, et ce
qu’elle
faisait au milieu de la rivière. Elle lui répondit, qu’étant
partie de Champigni avec le prince son mari, dans le dessein de le
suivre à la chasse, s’étant trouvée trop lasse, elle était
venue sur le bord de la rivière,
où
la curiosité
de voir prendre un saumon qui avait donné dans un filet, l’avait
fait entrer dans ce bateau.
M. de
Guise ne se mêlait point dans la conversation ;
mais, sentant réveiller vivement dans son cœur tout ce que cette
princesse y avait autrefois fait naître,
il pensait en lui-même qu’il
sortirait difficilement de cette aventure, sans
rentrer dans ses liens.
Ils arrivèrent bientôt
au bord, où
ils
trouvèrent les chevaux et les écuyers de madame de Montpensier, qui
l’attendaient.
Le duc d’Anjou
et le duc de Guise l’ aidèrent à monter à cheval,
où
elle
se tenait avec une grâce
admirable. Pendant tout le chemin, elle les entretint agréablement
de diverses choses. Ils ne furent pas moins surpris des charmes de
son esprit, qu’ils
l’avaient
été
de sa beauté ;
et ils ne purent s’empêcher
de lui faire connaître
qu’ils
en étaient extraordinairement surpris. Elle répondit à leurs
louanges avec toute la modestie imaginable ;
mais un peu plus froidement à celles du duc de Guise, voulant garder
une fierté qui l’empêchait
de fonder aucune espérance sur l’inclination
qu’elle
avait eue pour lui. En arrivant dans la première cour de Champigni,
ils trouvèrent le prince de Montpensier, qui ne faisait que de
revenir de la chasse. Son étonnement fut grand de voir marcher deux
hommes à côté
de sa femme ;
mais il fut extrême,
quand, s’approchant
de plus près, il reconnut que c’était le duc d’Anjou
et le duc de Guise. La haine qu’il
avait pour le dernier se joignant à sa jalousie naturelle lui fit
trouver quelque chose de si désagréable
à
voir ces princes avec sa femme, sans savoir comment ils s’y
étaient
trouvés, ni ce qu’ils
venaient faire en sa maison, qu’il
ne put cacher le chagrin qu’il
en avait. Il en rejeta adroitement la cause sur la crainte de ne
pouvoir recevoir un si grand prince selon sa qualité, et comme il
l’eût
bien souhaité. Le comte de Chabanes avait encore plus de chagrin de
voir M. de
Guise auprès
de madame de Montpensier, que M. de
Montpensier n’en
avait lui-même :
ce que le hasard avait fait pour rassembler ces deux personnes lui
semblait de si mauvais augure, qu’il
pronostiquait aisément que
ce commencement de roman ne serait pas sans suite.
Madame de Montpensier fit le soir les honneurs de chez elle avec le
même
agrément
qu’elle
faisait toutes choses. Enfin elle ne plut que trop à ses hôtes.
Le duc d’Anjou,
qui était fort galant et fort bien fait, ne put voir une fortune si
digne de lui sans la souhaiter ardemment. Il fut touché du même
mal que M. de
Guise ;
et, feignant toujours des affaires extraordinaires, il
demeura deux jours à Champigni, sans être obligé d’y
demeurer que par les charmes de madame de Montpensier,
le prince son mari ne faisant point de violence pour l’y
retenir. Le duc de Guise ne partit pas sans faire entendre à madame
de Montpensier qu’il
était pour elle ce qu’il
avait été
autrefois :
et, comme sa passion n’avait
été
sue de personne, il lui dit plusieurs fois devant tout le monde, sans
être entendu que d’elle,
que son cœur n’était point changé :
et lui et le duc d’Anjou
partirent de Champigni avec beaucoup de regret. Ils
marchèrent long-temps tous deux dans un profond silence :
mais enfin le duc d’Anjou,
s’imaginant
tout d’un
coup que ce qui faisait sa rêverie pouvait bien causer celle du duc
de Guise, lui demanda brusquement s’il
pensait aux beautés de la princesse de Montpensier. Cette demande si
brusque, jointe à ce qu’avait
déjà
remarqué le duc de Guise des sentiments du duc d’Anjou,
lui fit voir qu’il
serait infailliblement son rival, et qu’il
lui était
très-important de ne pas découvrir son amour à ce prince. Pour lui
en ôter
tout soupçon,
il lui répondit, en riant, qu’il
paraissait lui-même
si occupé
de la rêverie dont il l’accusait,
qu’il
n’avait
pas jugé à propos de l’interrompre ;
que les beautés de la princesse de Montpensier n’étaient pas
nouvelles pour lui ;
qu’il
s’était
accoutumé à en supporter l’éclat du temps qu’elle
était
destinée
à
être sa belle-sœur ;
mais qu’il
voyait bien que tout le monde n’en
était
pas si peu ébloui.
Le duc d’Anjou
lui avoua qu’il
n’avait
encore rien vu qui lui parût comparable à cette jeune princesse, et
qu’il
sentait bien que sa vue lui pourrait être dangereuse, s’il
y était souvent exposé. Il
voulut faire convenir le duc de Guise qu’il
sentait la même chose ;
mais ce duc, qui commençait
à se faire une affaire sérieuse de son amour, n’en
voulut rien avouer.
Ces princes s’en
retournèrent à Loches, faisant souvent leur agréable conversation
de l’aventure
qui leur avait découvert la princesse de Montpensier. Ce ne fut pas
un sujet de si grand divertissement dans Champigni. Le prince de
Montpensier était mal content de tout ce qui était arrivé, sans
qu’il
en pût
dire le sujet. Il trouvait mauvais que sa femme se fût trouvée dans
ce bateau.
Il lui semblait qu’elle
avait reçu
trop agréablement ces princes ;
et, ce qui lui déplaisait le plus, était d’avoir
remarqué que le duc de Guise l’avait
regardée attentivement. Il en conçut
dès ce moment une jalousie furieuse, qui le fit ressouvenir de
l’emportement
qu’il
avait témoigné lors de son mariage ;
et il eut quelque pensée
que, dès
ce temps-là même,
il en était amoureux.
Le chagrin que tous ses soupçons
lui causèrent donna de mauvaises heures à la princesse de
Montpensier.
Le
comte de Chabanes, selon sa coutume, prit soin d’empêcher
qu’ils
ne se brouillassent tout-à-fait, afin de persuader par-là à la
princesse combien la passion qu’il
avait pour elle était sincère et désintéressée.
Il ne put s’empêcher
de lui demander quel effet avait produit en elle la vue du duc de
Guise. Elle lui apprit qu’elle
en avait été
troublée,
par la honte du souvenir de l’inclination
qu’elle
lui avait autrefois témoignée ;
quelle l’avait
trouvé beaucoup mieux fait qu’il
n’était en ce temps-là ;
et que même il lui avait paru qu’il
voulait lui persuader qu’il
l’aimait
encore ;
mais elle l’assura
en même temps que rien ne pouvait ébranler
la résolution
qu’elle
avait prise de ne s’engager
jamais. Le
comte de Chabanes eut bien de la joie d’apprendre
cette résolution ;
mais rien ne le pouvait rassurer sur le duc de Guise. Il témoigna à
la
princesse qu’il
appréhendait extrêmement que les premières impressions ne
revinssent bientôt,
et il lui fit comprendre la mortelle douleur qu’il
aurait, pour leur intérêt
commun, s’il
la voyait un jour changer de sentiments. La
princesse de Montpensier, continuant toujours son procédé
avec lui, ne répondait presque pas à ce qu’il
lui disait de sa passion, et ne considérait toujours en lui que la
qualité du meilleur ami du monde, sans lui vouloir faire l’honneur
de prendre garde à celle d’amant.
Les
armées étant remises sur pied, tous les princes y retournèrent ;
et le prince de Montpensier
trouva bon que sa femme s’en
vînt
à Paris,
pour n’être plus si proche des lieux où
se
faisait la guerre. Les
huguenots assiégèrent
la ville de Poitiers. Le duc de Guise s’y
jeta pour la défendre, et il y fit des actions qui suffiraient
seules pour rendre glorieuse une autre vie que la sienne. Ensuite la
bataille de Moncontour se donna. Le duc d’Anjou,
après avoir pris Saint-Jean-d’Angely,
tomba malade, et quitta en même temps l’armée,
soit par la violence de son mal, soit par l’envie
qu’il
avait de revenir goûter le repos et les douceurs de Paris, où
la
présence
de la princesse de Montpensier n’était pas la moindre raison qui
l’attirât.
L’armée
demeura sous le commandement du prince de Montpensier ;
et,
peu de temps après, la paix étant faite, toute la cour se trouva à
Paris.
La beauté de la princesse effaça
toutes celles qu’on
avait admirées jusque alors. Elle attira les yeux de tout le monde
par les charmes de son esprit et de sa personne.
Le duc d’Anjou
ne changea pas à Paris les sentiments qu’il
avait conçus
pour elle à Champigni ;
il prit un soin extrême de le lui faire connaître
par toutes sortes de soins, prenant garde, toutefois, à ne lui en
pas rendre des témoignages trop éclatants,
de peur de donner de la jalousie au prince son mari. Le duc de Guise
acheva d’en
devenir violemment amoureux ;
et, voulant, par plusieurs raisons, tenir sa passion cachée,
il se résolut
de la lui déclarer
d’abord,
afin de s’épargner tous ces commencements qui font toujours naître
le bruit et l’éclat.
Étant
un jour chez la reine, à une heure où
il
y avait très-peu de monde, la reine s’étant retirée pour parler
d’affaire
avec le cardinal de Lorraine, la princesse de Montpensier y arriva.
Il se résolut de prendre ce moment pour lui parler, et s’approchant
d’elle :
Je vais vous surprendre, madame, lui dit-il, et vous déplaire, en
vous apprenant que j’ai
toujours conservé cette passion qui vous a été
connue autrefois, mais qui s’est
si fort augmentée en vous revoyant, que ni votre sévérité,
ni la haine de M. le
prince de Montpensier, ni la concurrence du premier prince du
royaume, ne sauraient lui ôter
un moment de sa violence. Il aurait été
plus respectueux de vous la faire connaître
par mes actions que par mes paroles ;
mais, madame, mes actions l’auraient
apprise à d’autres
aussi-bien qu’à vous, et je souhaite que vous sachiez seule que je
suis assez hardi pour vous adorer. La princesse fut d’abord
si surprise et si troublée de ce discours, qu’elle
ne songea pas à l’interrompre ;
mais ensuite, étant revenue à elle, et commençant
à lui
répondre,
le prince de Montpensier entra. Le trouble et l’agitation
étaient peints sur le visage de la princesse ;
la vue de son mari acheva de l’embarrasser,
de sorte qu’elle
lui en laissa plus entendre que le duc de Guise ne lui en venait de
dire. La reine sortit de son cabinet,
et le duc se retira pour guérir la jalousie de ce prince.
La princesse de Montpensier trouva, le soir, dans l’esprit
de son mari tout le chagrin imaginable. Il
s’emporta
contre elle avec des violences épouvantables, et lui défendit de
parler jamais au duc de Guise,
Elle se retira bien triste dans son appartement, et bien occupée des
aventures qui lui étaient arrivées ce jour-là. Le jour suivant,
elle revit le duc de Guise chez la reine ;
mais il ne l’aborda
pas, et se contenta de sortir un peu après elle, pour lui faire voir
qu’il
n’y
avait que faire quand elle n’y
était
pas. Il ne se passait point de jour qu’elle
ne reçût mille marques cachées de la passion de ce duc, sans qu’il
essayât
de lui en parler, que lorsqu’il
ne pouvait être vu de personne. Comme
elle était bien persuadée de cette passion, elle commença,
nonobstant toutes les résolutions qu’elle
avait faites à Champigni,
à
sentir, dans le fond de son cœur, quelque chose de ce qui y avait
été
autrefois.
Le duc d’Anjou,
de son côté,
n’oubliait
rien pour lui témoigner son amour en tous les lieux où
il
la pouvait voir, et il la suivait continuellement chez la reine sa
mère.
La princesse sa sœur
de qui il était aimé, en était traitée avec une rigueur capable
de guérir toute autre passion que la sienne. On
découvrit, en ce temps-là, que cette princesse, qui fut depuis la
reine de Navarre, eut quelque attachement pour le duc de Guise ;
et ce qui le fit découvrir davantage fut le refroidissement qui
parut du duc d’Anjou
pour le duc de Guise. La
princesse de Montpensier apprit cette nouvelle, qui ne lui fut pas
indifférente, et qui lui fit sentir qu’elle
prenait plus d’intérêt
au duc de Guise qu’elle
ne pensait.
M. de
Montpensier, son beau-père,
épousant
alors mademoiselle de Guise, sœur de ce duc, elle était contrainte
de le voir souvent dans les lieux où
les
cérémonies
des noces les appelaient l’un
et l’autre.
La princesse de Montpensier ne pouvant plus souffrir qu’un
homme que toute la France croyait amoureux de Madame, osât
lui dire qu’il
l’était
d’elle,
et se sentant offensée, et quasi affligée de s’être trompée
elle-même, un jour que le duc de Guise la rencontra chez sa sœur,
un peu éloignée des autres, et qu’il
lui voulut parler de sa passion, elle l’interrompit
brusquement, et lui dit d’un
ton de voix qui marquait sa colère :
Je
ne comprends pas qu’il
faille, sur le fondement d’une
faiblesse dont on a été
capable à treize ans, avoir l’audace
de faire l’amoureux
d’une
personne comme moi, et sur-tout quand on l’est
d’une
autre à la vue de toute la cour.
Le duc de Guise, qui avait beaucoup d’esprit
et qui était fort amoureux, n’eut
besoin de consulter personne pour entendre tout ce que signifiaient
les paroles de la princesse. Il lui répondit avec beaucoup de
respect :
J’avoue,
madame, que j’ai
eu tort de ne pas mépriser l’honneur
d’être beau-frère de mon roi, plutôt
que de vous laisser soupçonner
un moment que je pouvais désirer un autre cœur que le vôtre ;
mais, si vous voulez me faire la grâce
de m’écouter, je suis assuré de me justifier auprès de vous. La
princesse de Montpensier ne répondit point ;
mais elle ne s’éloigna pas, et le duc de Guise, voyant qu’elle
lui donnait l’audience
qu’il
souhaitait, lui apprit que, sans s’être
attiré
les bonnes grâces
de Madame par aucun soin, elle l’en
avait honoré ;
que, n’ayant
nulle passion pour elle, il avait très-mal
répondu
à l’honneur
qu’elle
lui faisait, jusqu’à ce qu’elle
lui eût donné quelque espérance de l’épouser ;
qu’à
la
vérité,
la grandeur où
ce
mariage pouvait l’élever
l’avait
obligé de lui rendre plus de devoirs ;
et que c’était ce qui avait donné lieu au soupçon
qu’en
avaient eu le roi et le duc d’Anjou ;
que l’opposition
de l’un
ni de l’autre
ne le dissuadait pas de son dessein ;
mais que, si ce dessein lui déplaisait, il l’abandonnait,
dès l’heure
même, pour n’y
penser de sa vie. Le
sacrifice que le duc de Guise faisait à la princesse lui fit oublier
toute la rigueur et toute la colère avec laquelle elle avait
commencé de lui parler. Elle changea de discours, et se mit à
l’entretenir
de la faiblesse qu’avait
eue Madame de l’aimer
la première, et de l’avantage
considérable qu’il
recevrait en l’épousant.
Enfin, sans rien dire d’obligeant
au duc de Guise, elle lui fit revoir mille choses agréables, qu’il
avait trouvées autrefois en mademoiselle de Mézière.
Quoiqu’ils
ne se fussent point parlé depuis longtemps, ils se trouvèrent
accoutumés l’un
à
l’autre,
et leurs cœurs se remirent aisément dans un chemin qui ne leur
était pas inconnu. Ils finirent cette agréable conversation, qui
laissa une sensible joie dans l’esprit
du duc de Guise. La princesse n’en
eut pas une petite de connaître
qu’il
l’aimait
véritablement. Mais, quand elle fut dans son cabinet, quelles
réflexions ne fit-elle point sur la honte de s’être laissée
fléchir
si aisément aux excuses du duc de Guise, sur l’embarras
où
elle s’allait
plonger en s’engageant
dans une chose qu’elle
avait regardée avec tant d’horreur,
et sur les effroyables malheurs où
la
jalousie de son mari la pouvait jeter !
Ces pensées lui firent faire de nouvelles résolutions, mais qui se
dissipèrent dès le lendemain par la vue du duc de Guise. Il ne
manquait point de lui rendre un compte exact de ce qui se passait
entre Madame et lui. La nouvelle alliance de leurs maisons lui
donnait occasion de lui parler souvent ;
mais il n’avait
pas peu de peine à la guérir de la jalousie que lui donnait la
beauté de Madame, contre laquelle il n’y
avait point de serment qui la pût rassurer. Cette jalousie servait à
la
princesse de Montpensier à
défendre
le reste de son cœur contre les soins du duc de Guise, qui en avait
déjà
gagné la plus grande partie. Le mariage du roi avec la fille de
l’empereur
Maximilien remplit la cour de fêtes et de réjouissances. Le roi fit
un ballet, où
dansaient
Madame et toutes les princesses. La princesse de Montpensier pouvait
seule lui disputer le prix de la beauté. Le duc d’Anjou
dansait une entrée de Maures ;
et le duc de Guise, avec quatre autres, était de son entrée. Leurs
habits étaient tous pareils, comme le sont d’ordinaire
les habits de ceux qui dansent une même entrée.
La première
fois que le ballet se dansa, le duc de Guise, devant que de danser,
n’ayant
pas encore son masque, dit quelques mots en passant à la
princesse de Montpensier. Elle s’aperçut
bien que le prince son mari y avait pris garde, ce qui la mit en
inquiétude. Quelque temps après, voyant le duc d’Anjou
avec son masque et son habit de Maure, qui venait pour lui parler,
troublée de son inquiétude, elle crut que c’était encore le duc
de Guise, et s’approchant
de lui :
N’ayez
des yeux ce soir que pour Madame, lui dit-elle ;
je n’en
serai point jalouse ;
je vous l’ordonne :
on m’observe ;
ne m’approchez
plus. Elle se retira sitôt
qu’elle
eut achevé ces paroles. Le duc d’Anjou
en demeura accablé comme d’un
coup de tonnerre. Il vit, dans ce moment, qu’il
avait un rival aimé. Il comprit, par le nom de Madame, que ce rival
était le duc de Guise ;
et il ne put douter que la princesse sa sœur ne fût le sacrifice
qui avait rendu la princesse de Montpensier favorable aux vœux de
son rival. La jalousie, le dépit et la rage, se joignant à la haine
qu’il
avait déjà
pour lui, firent dans son âme
tout ce qu’on
peut imaginer de plus violent, et il eût donné sur l’heure
quelque marque sanglante de son désespoir, si la dissimulation, qui
lui était naturelle, ne fût venue à son secours, et ne l’eût
obligé, par des raisons puissantes, en l’état qu’étaient les
choses, à ne rien entreprendre contre le duc de Guise. Il ne put
toutefois se refuser le plaisir de lui apprendre qu’il
savait le secret de son amour ;
et l’abordant
en sortant de la salle où
l’on
avait dansé :
C’est
trop, lui dit-il, d’oser
lever les yeux jusqu’à ma
sœur,
et de m’ôter
ma maîtresse.
La considération
du roi m’empêche
d’éclater ;
mais souvenez-vous que la perte de votre vie sera peut-être la
moindre chose dont je punirai quelque jour votre témérité.
La fierté
du duc de Guise n’était pas accoutumée
à
de telles menaces ;
il ne put néanmoins y répondre, parce que le roi, qui sortait dans
ce moment, les appela tous deux ;
mais elles gravèrent dans son cœur un désir de vengeance qu’il
travailla toute sa vie à satisfaire. Dès le même soir, le duc
d’Anjou
lui rendit toutes sortes de mauvais offices auprès du roi. Il lui
persuada que jamais Madame ne consentirait d’être mariée avec le
roi de Navarre, avec qui on proposait de la marier, tant que l’on
souffrirait que le duc de Guise l’approchât ;
et qu’il
était honteux de souffrir qu’un
de ses sujets, pour satisfaire à sa
vanité,
apportât
de l’obstacle
à une chose qui devait donner la paix à la France. Le roi avait
déjà
assez d’aigreur
contre le duc de Guise :
ce discours l’augmenta
si fort, que, le voyant le lendemain, comme il se présentait pour
entrer au bal chez la reine, paré d’un
nombre infini de pierreries, mais plus paré encore de sa bonne mine,
il se mit à l’entrée
de la porte, et lui demanda brusquement où
il
allait. Le duc, sans s’étonner, lui dit qu’il
venait pour lui rendre ses très-humbles services :
à
quoi le roi répliqua, qu’il
n’avait
pas besoin de ceux qu’il
lui rendait, et se tourna, sans le regarder. Le duc de Guise ne
laissa pas d’entrer
dans la salle, outré, dans le cœur, et contre le roi et contre le
duc d’Anjou.
Mais sa douleur augmenta sa fierté naturelle, et, par une manière
de dépit,
il s’approcha
beaucoup plus de Madame qu’il
n’avait
accoutumé ;
joint que ce que lui avait dit le duc d’Anjou
de la princesse de Montpensier l’empêchait
de jeter les yeux sur elle. Le duc d’Anjou
les observait soigneusement l’un
et l’autre.
Les yeux de cette princesse laissaient voir, malgré elle, quelque
chagrin, lorsque le duc de Guise parlait à Madame. Le duc d’Anjou,
qui avait compris, par ce qu’elle
lui avait dit, en le prenant pour M. de
Guise, qu’elle
avait de la jalousie, espéra de les brouiller, et, se mettant auprès
d’elle :
C’est
pour votre intérêt,
madame, plutôt
que pour le mien, lui dit-il, que je m’en
vais vous apprendre que le duc de Guise ne mérite pas que vous
l’ayez
choisi à mon préjudice.
Ne m’interrompez
point, je vous prie, pour me dire le contraire d’une
vérité
que je ne sais que trop. Il vous trompe, madame, et vous sacrifie à
ma
sœur,
comme il vous l’a
sacrifiée.
C’est
un homme qui n’est
capable que d’ambition ;
mais, puisqu’il
a eu le bonheur de vous plaire, c’est
assez ;
je ne m’opposerai
pas à une fortune que je méritais sans doute mieux que lui ;
je m’en
rendrais indigne, si je m’opiniâtrais
davantage à la
conquête
d’un
cœur qu’un
autre possède.
C’est
trop de n’avoir
pu attirer que votre indifférence :
je ne veux pas y faire succéder la haine, en vous importunant plus
longtemps de la plus fidèle passion qui fut jamais. Le duc d’Anjou,
qui était effectivement touché d’amour
et de douleur, put à peine achever ces paroles, et, quoiqu’il
eût commencé son discours dans un esprit de dépit et de vengeance,
il s’attendrit,
en considérant la beauté de la princesse, et la perte qu’il
faisait, en perdant l’espérance
d’en
être
aimé ;
de sorte que, sans attendre sa réponse, il sortit du bal, feignant
de se trouver mal, et s’en
alla chez lui rêver
à
son malheur. La princesse de Montpensier demeura affligée et
troublée, comme on se le peut imaginer. Voir sa réputation et le
secret de sa vie entre les mains d’un
prince qu’elle
avait maltraité, et apprendre par lui, sans pouvoir en douter,
qu’elle
était
trompée par son amant, étaient des choses peu capables de lui
laisser la liberté d’esprit
que demandait un lieu destiné à la joie. Il fallut pourtant
demeurer en ce lieu, et aller souper ensuite chez la duchesse de
Montpensier, sa belle-mère, qui l’emmena
avec elle. Le duc de Guise, qui mourait d’impatience
de lui conter ce qu’avait
dit le duc d’Anjou
le jour précédent,
la suivit chez sa sœur. Mais quel fut son étonnement, lorsque,
voulant entretenir cette belle princesse, il trouva qu’elle
ne lui parlait que pour lui faire des reproches épouvantables ;
et le dépit lui faisait faire ces reproches si confusément, qu’il
n’y
pouvait rien comprendre, sinon qu’elle
l’accusait
d’infidélité
et de trahison. Accablé de
désespoir
de trouver une si grande augmentation de douleur où
il
avait espéré
de se consoler de tous ses ennuis, et aimant cette princesse avec une
passion qui ne pouvait plus le laisser vivre dans l’incertitude
d’en
être
aimé,
il se détermina
tout d’un
coup. Vous serez satisfaite, madame, lui dit-il ;
je m’en
vais faire pour vous ce que toute la puissance royale n’aurait
pu obtenir de moi. Il m’en
coûtera
ma fortune ;
mais c’est
peu de chose pour vous satisfaire. Sans demeurer davantage chez la
duchesse sa sœur
il s’en
alla trouver, à l’heure
même, les cardinaux ses oncles, et, sur le prétexte du mauvais
traitement qu’il
avait reçu
du roi, il leur fit voir une si grande nécessité
pour sa fortune à faire paraître
qu’il
n’avait
aucune pensée
d’épouser
madame, qu’il
les obligea à conclure son mariage avec la princesse de Portien,
duquel
on avait déjà
parlé.
La nouvelle de ce mariage fut aussitôt
sue par tout Paris. Tout le monde fut surpris, et la princesse de
Montpensier en fut touchée de joie et de douleur. Elle fut bien aise
de voir par-là le pouvoir qu’elle
avait sur le duc ;
et elle fut fâchée,
en même temps, de lui avoir fait abandonner une chose aussi
avantageuse que le mariage de Madame. Le duc, qui voulait au moins
que l’amour
le récompensât
de ce qu’il
perdait du côté
de la fortune, pressa la princesse de lui donner une audience
particulière, pour s’éclaircir des reproches injustes qu’elle
lui avait faits. Il obtint qu’elle
se trouverait chez la duchesse de Montpensier, sa sœur, à une heure
que cette duchesse n’y
serait pas, et qu’il
pourrait l’entretenir
en particulier. Le duc de Guise eut la joie de se pouvoir jeter à
ses pieds, de lui parler en liberté de sa passion, et de lui dire ce
qu’il
avait souffert de ses soupçons.
La princesse ne pouvait s’ôter
de l’esprit
ce que lui avait dit le duc d’Anjou,
quoique le procédé
du duc de Guise la dût absolument rassurer. Elle lui apprit le juste
sujet qu’elle
avait de croire qu’il
l’avait
trahie, puisque le duc d’Anjou
savait ce qu’il
ne pouvait avoir appris que de lui. Le duc de Guise ne savait par où
se
défendre,
et était aussi embarrassé que la princesse de Montpensier à
deviner ce qui avait pu découvrir leur intelligence. Enfin, dans la
suite de leur conversation, comme elle lui remontrait qu’il
avait eu tort de précipiter son mariage avec la princesse de
Portien, et d’abandonner
celui de Madame, qui lui était si avantageux, elle lui dit qu’il
pouvait bien juger qu’elle
n’en
eût
eu aucune jalousie, puisque, le jour du ballet, elle-même l’avait
conjuré de
n’avoir
des yeux que pour Madame. Le duc de Guise lui dit qu’elle
avait eu intention de lui faire ce commandement, mais qu’assurément
elle ne le lui avait pas fait. La princesse lui soutint le contraire.
Enfin, à force de disputer et d’approfondir,
ils trouvèrent qu’il
fallait qu’elle
se fût trompée dans la ressemblance des habits, et qu’elle-même
eût appris au duc d’Anjou
ce qu’elle
accusait le duc de Guise de lui avoir appris. Le duc de Guise, qui
était presque justifié dans son esprit par son mariage, le fut
entièrement par cette conversation. Cette belle princesse ne put
refuser son cœur à un homme qui l’avait
possédé
autrefois, et qui venait de tout abandonner pour elle. Elle consentit
donc à recevoir ses vœux, et lui permit de croire qu’elle
n’était
pas insensible à sa
passion. L’arrivée
de la duchesse de Montpensier, sa belle-mère, finit cette
conversation, et empêcha le duc de Guise de lui faire voir les
transports de sa joie. Quelque temps après, la cour s’en
allant à Blois, où
la
princesse de Montpensier la suivit, le mariage de Madame avec le roi
de Navarre y fut conclu. Le duc de Guise, ne connaissant plus de
grandeur ni de bonne fortune que celle d’être aimé de la
princesse, vit avec joie la conclusion de ce mariage, qui l’aurait
comblé de douleur dans un autre temps. Il ne pouvait si bien cacher
son amour, que le prince de Montpensier n’en
entrevît
quelque chose, lequel, n’étant plus maître
de sa jalousie, ordonna à la princesse sa femme de s’en
aller à
Champigni. Ce commandement lui fut bien rude :
il fallut pourtant obéir. Elle trouva moyen de dire adieu en
particulier au duc de Guise ;
mais elle se trouva bien embarrassée
à
lui donner des moyens sûrs pour lui écrire. Enfin, après avoir
bien cherché, elle jeta les yeux sur le comte de Chabanes, qu’elle
comptait toujours pour son ami, sans considérer qu’il
était son amant. Le duc de Guise, qui savait à quel point ce comte
était ami du prince de Montpensier, fut épouvanté qu’elle
le choisît
pour son confident ;
mais elle lui répondit si bien de sa fidélité,
qu’elle
le rassura. Il se sépara
d’elle
avec toute la douleur que peut causer l’absence
d’une
personne que l’on
aime passionnément. Le comte de Chabanes, qui avait toujours été
malade à Paris pendant le séjour de la princesse de Montpensier à
Blois, sachant qu’elle
s’en
allait à Champigni, la fut trouver sur le chemin, pour s’en
aller avec elle. Elle lui fit mille caresses et mille amitiés, et
lui témoigna une impatience extraordinaire de s’entretenir
en particulier, dont il fut d’abord
charmé. Mais quels furent son étonnement et sa douleur, quand il
trouva que cette impatience n’allait
qu’à lui conter qu’elle
était
passionnément aimée du duc de Guise, et qu’elle
l’aimait
de la même sorte !
Son étonnement
et sa douleur ne lui permirent pas de répondre. La princesse, qui
était pleine de sa passion, et qui trouvait un soulagement extrême
à
lui en parler, ne prit pas garde à son silence, et se mit à lui
conter jusqu’aux
plus petites circonstances de son aventure. Elle lui dit comme le duc
de Guise et elle étaient convenus de recevoir, par son moyen, les
lettres qu’ils
devaient s’écrire. Ce fut le dernier coup pour le comte de
Chabanes, de voir que sa maîtresse
voulait qu’il
servît
son rival, et qu’elle
lui en faisait la proposition comme d’une
chose qui lui devait être
agréable.
Il était
si absolument maître
de lui-même, qu’il
lui cacha tous ses sentiments. Il lui témoigna seulement la surprise
où
il
était de voir en elle un si grand changement. Il espéra
d’abord
que ce changement, qui lui ôtait
toute espérance, lui ôterait
aussi toute sa passion ;
mais il trouva cette princesse si charmante, sa beauté naturelle
étant encore beaucoup augmentée par une certaine grâce
que lui avait donnée l’air
de la cour, qu’il
sentit qu’il
l’aimait
plus que jamais. Toutes les confidences qu’elle
lui faisait sur la tendresse et sur la délicatesse de ses sentiments
pour le duc de Guise lui faisaient voir le prix du cœur de cette
princesse, et lui donnaient un vif désir de le posséder. Comme sa
passion était la plus extraordinaire du monde, elle produisit
l’effet
du monde le plus extraordinaire, car elle le fit résoudre de porter
à sa
maîtresse
les lettres de son rival. L’absence
du duc de Guise donnait un chagrin mortel à la princesse de
Montpensier, et, n’espérant
de soulagement que par ses lettres, elle tourmentait incessamment le
comte de Chabanes, pour savoir s’il
n’en
recevait point, et se prenait quasi à lui
de n’en
avoir pas assez tôt.
Enfin, il en reçut
par un gentilhomme du duc de Guise, et il les lui apporta à l’heure
même, pour ne lui retarder pas sa joie d’un
moment. Celle qu’elle
eut de les recevoir fut extrême. Elle ne prit pas le soin de la
cacher, et lui fit avaler à longs traits tout le poison imaginable,
en lui lisant ces lettres et la réponse tendre et galante qu’elle
y faisait. Il porta cette réponse au gentilhomme, avec la même
fidélité
avec laquelle il avait rendu la lettre à la princesse, mais avec
plus de douleur. Il se consola pourtant un peu, dans la pensée que
cette princesse ferait quelque réflexion sur ce qu’il
faisait pour elle, et qu’elle
lui en témoignerait de la reconnaissance. La trouvant de jour en
jour plus rude pour lui, par le chagrin qu’elle
avait d’ailleurs,
il prit la liberté de la supplier de penser un peu à ce qu’elle
lui faisait souffrir. La princesse, qui n’avait
dans la tête que le duc de Guise, et qui ne trouvait que lui seul
digne de l’adorer,
trouva si mauvais qu’un
autre que lui osât
penser à elle, qu’elle
maltraita bien plus le comte de Chabanes en cette occasion, qu’elle
n’avait
fait la première fois qu’il
lui avait parlé de son amour. Quoique sa passion, aussi bien que sa
patience, fût
extrême,
et à toute épreuve, il quitta la princesse et s’en
alla chez un de ses amis dans le voisinage de Champigny,
d’où
il
lui écrivit
avec toute la rage que pouvait lui causer un si étrange
procédé,
mais néanmoins
avec tout le respect qui était dû à sa
qualité ;
et, par sa lettre, il lui disait un éternel adieu. La princesse
commença
à
se
repentir d’avoir
si peu ménagé
un homme sur qui elle avait tant de pouvoir ;
et, ne pouvant se résoudre à le perdre, non-seulement à cause de
l’amitié
qu’elle
avait pour lui, mais aussi par l’intérêt
de son amour, pour lequel il lui était tout-à-fait nécessaire,
elle lui manda qu’elle
voulait absolument lui parler encore une fois, et, après cela,
qu’elle
le laissait libre de faire ce qu’il
lui plairait. L’on
est bien faible quand on est amoureux. Le comte revint, et, en moins
d’une
heure, la beauté de la princesse de Montpensier, son esprit et
quelques paroles obligeantes, le rendirent plus soumis qu’il
n’avait
jamais été,
et il lui donna même des lettres du duc de Guise, qu’il
venait de recevoir. Pendant ce temps, l’envie
qu’on
eut à la cour d’y
faire venir les chefs du parti huguenot, pour cet horrible dessein
qu’on
exécuta le jour de la Saint-Barthelemi, fit que le roi, pour les
mieux tromper, éloigna de lui tous les princes de la maison de
Bourbon et tous ceux de la maison de Guise. Le prince de Montpensier
s’en
retourna à Champigni, pour achever d’accabler
la princesse sa femme par sa présence. Le duc de Guise s’en
alla à
la campagne, chez le cardinal de Lorraine, son oncle. L’amour
et l’oisiveté
mirent dans son esprit un si violent désir de voir la princesse de
Montpensier, que, sans considérer ce qu’il
hasardait pour elle et pour lui, il feignit un voyage, et, laissant
tout son train dans une petite ville, il prit avec lui ce seul
gentilhomme qui avait déjà
fait plusieurs voyages à Champigni, et il s’y
en alla en poste. Comme il n’avait
point d’autre
adresse que celle du comte de Chabanes, il lui fit écrire un billet
par ce même gentilhomme, par lequel ce gentilhomme le priait de le
venir trouver en un lieu qu’il
lui marquait. Le comte de Chabanes, croyant que c’était seulement
pour recevoir des lettres du duc de Guise, l’alla
trouver ;
mais il fut extrêmement surpris, quand il vit le duc de Guise, et il
n’en
fut pas moins affligé.
Ce duc, occupé
de son dessein, ne prit non plus garde à l’embarras
du comte que la princesse de Montpensier avait fait à son silence
lorsqu’elle
lui avait conté son amour. Il se mit à lui
exagérer
sa passion, et à lui faire comprendre qu’il
mourrait infailliblement, s’il
ne lui faisait obtenir de la princesse la permission de la voir. Le
comte de Chabanes lui répondit froidement qu’il
dirait à cette princesse tout ce qu’il
souhaitait qu’il
lui dît,
et qu’il
viendrait lui en rendre réponse. Il s’en
retourna à Champigni, combattu de ses propres sentiments, mais avec
une violence qui lui ôtait
quelquefois toute sorte de connaissance. Souvent il prenait la
résolution de renvoyer le duc de Guise sans le dire à la
princesse de Montpensier ;
mais la fidélité
exacte qu’il
lui avait promise changeait aussitôt
sa résolution.
Il arriva auprès d’elle,
sans savoir ce qu’il
devait faire ;
et, apprenant que le prince de Montpensier était à la chasse, il
alla droit à l’appartement
de la princesse, qui, le voyant troublé, fit retirer aussitôt
ses femmes pour savoir le sujet de ce trouble. Il lui dit, en se
modérant le plus qu’il
lui fut possible, que le duc de Guise était à une lieue de
Champigni, et qu’il
souhaitait passionnément de la voir. La princesse fit un grand cri à
cette nouvelle, et son embarras ne fut guère moindre que celui du
comte. Son amour lui présenta
d’abord
la joie qu’elle
aurait de voir un homme qu’elle
aimait si tendrement :
mais, quand elle pensa combien cette action était contraire à sa
vertu, et qu’elle
ne pouvait voir son amant qu’en
le faisant entrer la nuit chez elle, à l’insu
de son mari, elle se trouva dans une extrémité
épouvantable. Le comte de Chabanes attendait sa réponse comme une
chose qui allait décider de sa vie ou de sa mort. Jugeant de
l’incertitude
de la princesse par son silence, il prit la parole pour lui
représenter tous les périls où
elle s’exposerait
par cette entrevue ;
et, voulant lui faire voir qu’il
ne lui tenait pas ce discours pour ses intérêts,
il lui dit :
Si, après
tout ce que je viens de vous représenter, madame, votre passion est
la plus forte, et que vous désiriez voir le duc de Guise, que ma
considération ne vous en empêche point, si celle de votre intérêt
ne le fait pas. Je ne veux point priver d’une
si grande satisfaction une personne que j’adore,
ni être
cause qu’elle
cherche des personnes moins fidèles que moi pour se la procurer.
Oui, madame, si vous le voulez, j’irai
quérir le duc de Guise dès ce soir, car il est trop périlleux de
le laisser plus long-temps où
il
est, et je l’amènerai
dans votre appartement. Mais par où
et
comment, interrompit la princesse ?
Ah !
madame, s’écria
le comte, c’en
est fait, puisque vous ne délibérez plus que sur les moyens. Il
viendra, madame, ce bienheureux amant. Je l’amènerai
par le parc :
donnez ordre seulement à celle de vos femmes à qui vous vous fiez
le plus, qu’elle
baisse, précisément
à minuit, le petit pont-levis, qui donne de votre antichambre dans
le parterre, et ne vous inquiétez pas du reste. En achevant ces
paroles, il se leva ;
et, sans attendre d’autre
consentement de la princesse de Montpensier, il remonta à cheval, et
vint trouver le duc de Guise, qui l’attendait
avec une impatience extrême. La princesse de Montpensier demeura si
troublée, qu’elle
fut quelque temps sans revenir à elle. Son premier mouvement fut de
faire rappeler le comte de Chabanes, pour lui défendre d’amener
le duc de Guise ;
mais elle n’en
eut pas la force. Elle pensa que, sans le rappeler, elle n’avait
qu’à ne point faire abaisser le pont. Elle crut qu’elle
continuerait dans cette résolution. Quand l’heure
de l’assignation
approcha, elle ne put résister
davantage à
l’envie
de voir un amant qu’elle
croyait si digne d’elle,
et elle instruisit une de ses femmes de tout ce qu’il
fallait faire pour introduire le duc de Guise dans son appartement.
Cependant, et ce duc et le comte de Chabanes approchaient de
Champigni ;
mais dans un état bien différent :
le duc abandonnait son âme
à
la joie et à tout ce que l’espérance
inspire de plus agréable, et le comte s’abandonnait
à un désespoir et à une rage qui le poussèrent mille fois à
donner de son épée
au travers du corps de son rival. Enfin ils arrivèrent au parc de
Champigni, où
ils
laissèrent leurs chevaux à l’écuyer
du duc de Guise ;
et, passant par des brèches qui étaient aux murailles, ils vinrent
dans le parterre. Le comte de Chabanes, au milieu de son désespoir,
avait toujours quelque espérance que la raison reviendrait à la
princesse de Montpensier, et qu’elle
prendrait enfin la résolution de ne point voir le duc de Guise.
Quand il vit ce petit pont abaissé, ce fut alors qu’il
ne put douter du contraire, et ce fut aussi alors qu’il
fut tout prêt
à
se porter aux dernières extrémités ;
mais, venant à penser que, s’il
faisait du bruit, il serait ouï
apparemment
du prince de Montpensier, dont l’appartement
donnait sur le même parterre, et que tout ce désordre tomberait
ensuite sur la personne qu’il
aimait le plus, sa rage se calma à l’heure
même, et il acheva de conduire le duc de Guise aux pieds de sa
princesse. Il ne put se résoudre à être témoin de leur
conversation, quoique la princesse lui témoignât
le souhaiter, et qu’il
l’eût
bien souhaité lui-même. Il se retira dans un petit passage, qui
était du côte
de l’appartement
du prince de Montpensier, ayant dans l’esprit
les plus tristes pensées qui aient jamais occupé l’esprit
d’un
amant. Cependant, quelque peu de bruit qu’ils
eussent fait en passant sur le pont, le prince de Montpensier, qui
par malheur était éveillé dans ce moment, l’entendit,
et fit lever un de ses valets de chambre pour voir ce que c’était.
Le valet de chambre mit la tête
à
la
fenêtre,
et, au travers de l’obscurité
de la nuit, il aperçut
que le pont était abaissé. Il en avertit son maître,
qui lui commanda en même temps d’aller
dans le parc voir ce que ce pouvait être. Un moment après, il se
leva lui-même,
étant
inquiet de ce qu’il
lui semblait avoir ouï
marcher
quelqu’un,
et s’en
vint droit à l’appartement
de la princesse sa femme, qui répondait sur le pont. Dans le moment
qu’il
approchait de ce petit passage où était le comte de Chabanes, la
princesse de Montpensier, qui avait quelque honte de se trouver seule
avec le duc de Guise, pria plusieurs fois le comte d’entrer
dans sa chambre. Il s’en
excusa toujours, et, comme elle l’en
pressait davantage, possédé
de rage et de fureur, il lui répondit si haut qu’il
fut ouï
du
prince de Montpensier ;
mais si confusément que ce prince entendit seulement la voix d’un
homme, sans distinguer celle du comte. Une pareille aventure eût
donné de l’emportement
à un esprit et plus tranquille et moins jaloux :
aussi mit-elle d’abord
l’excès
de la rage et de la fureur dans celui du prince. Il heurta aussitôt
à
la porte avec impétuosité,
et, criant pour se faire ouvrir, il donna la plus cruelle surprise du
monde à la princesse, au duc de Guise et au comte de Chabanes. Le
dernier, entendant la voix du prince, comprit d’abord
qu’il
était impossible de l’empêcher
de croire qu’il
n’y
eût
quelqu’un
dans la chambre de la princesse sa femme, et, la grandeur de sa
passion lui montrant en ce moment, que, s’il
y trouvait le duc de Guise, madame de Montpensier aurait la douleur
de le voir tuer à ses yeux, et que la vie même de cette princesse
ne serait pas en sûreté,
il résolut,
par une générosité
sans exemple, de s’exposer
pour sauver une maîtresse
ingrate et un rival aimé. Pendant que le prince de Montpensier
donnait mille coups à la porte, il vint au duc de Guise, qui ne
savait quelle résolution prendre, et il le mit entre les mains de
cette femme de madame de Montpensier qui l’avait
fait entrer par le pont, pour le faire sortir par le même lieu,
pendant qu’il
s’exposerait
à la fureur du prince. À peine le duc était hors de l’antichambre,
que le prince, ayant enfoncé la porte du passage, entra dans la
chambre comme un homme possédé
de fureur et qui cherchait sur qui la faire éclater. Mais quand il
ne vit que le comte de Chabanes, et qu’il
le vit immobile, appuyé sur la table, avec un visage où
la tristesse était
peinte, il demeura immobile lui-même :
et la surprise de trouver, et seul et la nuit, dans la chambre de sa
femme l’homme
du monde qu’il
aimait le mieux, le mit hors d’état de pouvoir parler. La
princesse était à demi-évanouie
sur des carreaux, et jamais peut-être la fortune n’a
mis trois personnes en des états si pitoyables. Enfin, le prince de
Montpensier, qui ne croyait pas ce qu’il
voyait, et qui voulait démêler
ce chaos où
il
venait de tomber, adressant la parole au comte, d’un
ton qui faisait voir qu’il
avait encore de l’amitié
pour lui :
Que vois-je, lui dit-il ?
Est-ce une illusion ou une vérité ?
Est-il possible qu’un
homme que j’ai
aimé si
chèrement
choisisse ma femme entre toutes les autres femmes, pour la séduire ?
Et vous, madame, dit-il à la princesse, en se tournant de son côté,
n’était-ce
point assez de m’ôter
votre cœur et mon honneur, sans m’ôter
le seul homme qui me pouvait consoler de ces malheurs ?
Répondez-moi
l’un
ou l’autre,
leur dit-il, et éclaircissez-moi d’une
aventure que je ne puis croire telle qu’elle
me paraît.
La princesse n’était
pas capable de répondre, et le comte de Chabanes ouvrit plusieurs
fois la bouche sans pouvoir parler. Je suis criminel à votre égard,
lui dit-il enfin, et indigne de l’amitié
que vous avez eue pour moi ;
mais ce n’est
pas de la manière que vous pouvez l’imaginer.
Je suis plus malheureux que vous, et plus désespéré ;
je ne saurais vous en dire davantage. Ma mort vous vengera, et, si
vous voulez me la donner tout-à-l’heure,
vous me donnerez la seule chose qui peut m’être
agréable.
Ces paroles, prononcées avec une douleur mortelle et avec un air qui
marquait son innocence, au lieu d’éclaircir le prince de
Montpensier, lui persuadaient de plus en plus qu’il
y avait quelque mystère dans cette aventure, qu’il
ne pouvait deviner ;
et, son désespoir s’augmentant
par cette incertitude :
Ôtez-moi
la vie vous-même, lui dit-il, ou donnez-moi l’éclaircissement de
vos paroles ;
je n’y
comprends rien :
vous devez cet éclaircissement à mon amitié :
vous le devez à ma
modération ;
car tout autre que moi aurait déjà
vengé
sur votre vie un affront si sensible. Les apparences sont bien
fausses, interrompit le comte. Ah !
c’est
trop, répliqua
le prince ;
il faut que je me venge, et puis je m’éclaircirai à loisir. En
disant ces paroles, il s’approcha
du comte de Chabanes avec l’action
d’un
homme emporté de rage. La princesse, craignant quelque malheur (ce
qui ne pouvait pourtant pas arriver, son mari n’ayant
point d’épée),
se leva pour se mettre entre deux. La faiblesse où
elle était
la fit succomber à cet effort, et, comme elle approchait de son
mari, elle tomba évanouie à ses pieds. Le prince fut encore plus
touché de cet évanouissement qu’il
n’avait
été
de
la tranquillité
où
il
avait trouvé le comte, lorsqu’il
s’était
approché de
lui ;
et, ne pouvant plus soutenir la vue de deux personnes qui lui
donnaient des mouvements si tristes, il tourna la tête de l’autre
côté,
et se laissa tomber sur le lit de sa femme, accablé d’une
douleur incroyable. Le comte de Chabanes, pénétré
de
repentir d’avoir
abusé d’une
amitié dont il recevait tant de marques, et, ne trouvant pas qu’il
pût
jamais réparer ce qu’il
venait de faire, sortit brusquement de la chambre, et, passant par
l’appartement
du prince, dont il trouva les portes ouvertes, il descendit dans la
cour ;
il se fit donner des chevaux, et s’en
alla dans la campagne, guidé par son seul désespoir. Cependant, le
prince de Montpensier, qui voyait que la princesse ne revenait point
de son évanouissement, la laissa entre les mains de ses femmes, et
se retira dans sa chambre avec une douleur mortelle. Le duc de Guise,
qui était sorti heureusement du parc, sans savoir quasi ce qu’il
faisait, tant il était troublé,
s’éloigna
de Champigni de quelques lieues ;
mais il ne put s’éloigner davantage, sans savoir des nouvelles de
la princesse. Il s’arrêta
dans une forêt, et envoya son écuyer pour apprendre du comte de
Chabanes ce qui était arrivé de cette terrible aventure. L’écuyer
ne trouva point le comte de Chabanes ;
mais il apprit d’autres
personnes que la princesse de Montpensier était extraordinairement
malade. L’inquiétude
du duc de Guise fut augmentée par ce que lui dit son écuyer ;
et, sans la pouvoir soulager, il fut contraint de s’en
retourner trouver ses oncles, pour ne pas donner de soupçon
par un plus long voyage. L’écuyer du duc de Guise lui avait
rapporté la
vérité,
en lui disant que madame de Montpensier était extrêmement malade ;
car il était
vrai que, sitôt
que ses femmes l’eurent
mise dans son lit, la fièvre lui prit si violemment, et avec des
rêveries si horribles, que, dès le second jour, l’on
craignit pour sa vie. Le prince feignit d’être malade, afin qu’on
ne s’étonnât
pas de ce qu’il
n’entrait
pas dans la chambre de sa femme. L’ordre
qu’il
reçut
de s’en
retourner à la cour, où
l’on
rappelait tous les princes catholiques pour exterminer les huguenots,
le tira de l’embarras
où
il
était. Il s’en
alla à
Paris, ne sachant ce qu’il
avait à espérer
ou à
craindre du mal de la princesse sa femme. Il n’y
fut pas sitôt
arrivé,
qu’on
commença
d’attaquer
les huguenots en la personne d’un
de leurs chefs, l’amiral
de Châtillon ;
et, deux jours après, l’on
fit cet horrible massacre si renommé par toute l’Europe.
Le pauvre comte de Chabanes, qui s’était venu cacher dans
l’extrémité
de l’un
des faubourgs de Paris, pour s’abandonner
entièrement à sa douleur, fut enveloppé dans la ruine des
huguenots. Les personnes chez qui il s’était retiré l’ayant
reconnu, et s’étant souvenues qu’on
l’avait
soupçonné
d’être
de ce parti, le massacrèrent cette même nuit qui fut si funeste à
tant de gens. Le matin, le prince de Montpensier, allant donner
quelques ordres hors la ville, passa dans la rue où était le corps
de Chabanes. Il fut d’abord
saisi d’étonnement à ce pitoyable spectacle ;
ensuite, son amitié se
réveillant,
elle lui donna de la douleur ;
mais le souvenir de l’offense
qu’il
croyait avoir reçue
du comte lui donna enfin de la joie, et il fut bien aise de se voir
vengé par
les mains de la fortune. Le duc de Guise, occupé
du désir de venger la mort de son père, et, peu après, rempli de
la joie de l’avoir
vengée, laissa peu à peu éloigner de son âme
le soin d’apprendre
des nouvelles de la princesse de Montpensier ;
et, trouvant la marquise de Noirmoutier, personne de beaucoup
d’esprit
et de beauté, et qui donnait plus d’espérance
que cette princesse, il s’y
attacha entièrement et l’aima
avec une passion démesurée, et qui dura jusqu’à sa mort.
Cependant, après que le mal de madame de Montpensier fut venu au
dernier point, il commença
à
diminuer :
la raison lui revint ;
et, se trouvant un peu soulagée par l’absence
du prince son mari, elle donna quelque espérance de sa vie. Sa santé
revenait pourtant avec grand’peine,
par le mauvais état de son esprit ;
et son esprit fut travaillé de nouveau, quand elle se souvint
qu’elle
n’avait
eu aucune nouvelle du duc de Guise pendant toute sa maladie. Elle
s’enquit
de ses femmes si elles n’avaient
vu personne, si elles n’avaient
point de lettres ;
et, ne trouvant rien de ce qu’elle
eût
souhaité, elle se trouva la plus malheureuse du monde, d’avoir
tout hasardé pour un homme qui l’abandonnait.
Ce lui fut encore un nouvel accablement d’apprendre
la mort du comte de Chabanes, qu’elle
sut bientôt
par les soins du prince son mari. L’ingratitude
du duc de Guise lui fit sentir plus vivement la perte d’un
homme dont elle connaissait si bien la fidélité.
Tant de déplaisirs si pressants la remirent bientôt
dans un état aussi dangereux que celui dont elle était sortie :
et, comme madame de Noirmoutier était une personne qui prenait
autant de soin de faire éclater ses galanteries que les autres en
prennent de les cacher, celles du duc de Guise et d’elle
étaient
si publiques, que, toute éloignée et toute malade qu’était la
princesse de Montpensier, elle les apprit de tant de côtés,
qu’elle
n’en
put douter. Ce fut le coup mortel pour sa vie :
elle ne put résister
à
la douleur d’avoir
perdu l’estime
de son mari, le cœur de son amant, et le plus parfait ami qui fut
jamais. Elle mourut en peu de jours, dans la fleur de son âge,
une des plus belles princesses du monde, et qui aurait été
sans doute la plus heureuse, si la vertu et la prudence eussent
conduit toutes ses actions.
fin
de La princesse de Montpensier.
-
Sa naissance
1- Marie-Madeleine
Pioche de La Vergne, comtesse de La Fayette, plus connue sous le nom
de Madame de La Fayette, naît dans la petite noblesse parisienne le
16 mars 1634 à Paris, morte le 25 mai 1693. Sa famille riche,
gravite autour autour de Richelieu. Sa mère, fille d’un médecin
du roi, est au service de la duchesse Marie-Madeleine d'Aiguillon,
qui l'est depuis sa naissance. Son père, Marc Pioche de la Vergne,
écuyer du roi, meurt alors qu’elle n’a que quinze ans .
- Au décès de son
père, en 1650, sa mère se remarie avec le Chevalier Renaud de
Sévigné, l'oncle de la Marquise de Sévigné, avec qui Madame de
Lafayette sera amie toute sa vie durant.
-
La jeunesse et sa formation littéraire :
- Vers l’âge de
16 ans elle devient dame d’honneur de la reine Anne d’Autriche.
elle prend petit à petit conscience des intrigues de la cour dont
elle s'inspirera dans ses écrits. Elle commence également à
acquérir une éducation littéraire avec Ménage qui lui enseigne
l’italien et le latin
- Ce dernier
l’introduit alors dans les salons littéraires en vogue de
Catherine de Rambouillet, de la Marquise du Plessis-Bellière et de
Madeleine de Scudéry.
-
L’âge adulte
- En 1655, elle
épouse, à l’âge de 22 ans, un Auvergnat de dix-huit ans son
aîné, François Motier, comte de La Fayette dont elle aura deux
fils. C’est un mariage de raison. Elle l’accompagne dans ses
domaines familiaux en Auvergne et dans le Bourbonnais bien qu’elle
retourne fréquemment à Paris où elle commence à s’introduire
dans la société de la cour et à ouvrir avec succès son propre
salon. Leur bonheur conjugal semble avoir sombré après quelques
années de mariage, après la naissance de leurs fils, date où
François de La Fayette semble littéralement avoir disparu.La
Bruyère a résumé ainsi cette étrange situation : « Nous trouvons
à présent une femme qui a tellement éclipsé son mari, que nous ne
savons pas s’il est mort ou en vie… »
- Elle fréquente le
cercle janséniste de l'Hôtel de Nevers et rencontre vers 1660 le
philosophe Arnauld et François de La Rochefoucauld, avec qui elle se
lie d'amitié.
-
Ses œuvres
Grâce à son amitié avec Henriette d'Angleterre, future duchesse d’Orléans qui épouse le frère du roi, elle pénètre l'intimité de la cour.
- Établie
de façon définitive à Paris en 1659 En 1662, elle publie
anonymement 'La Princesse de Montpensier'
- en 1670,
'Zaïde' qu'elle écrit en collaboration avec La Rochefoucauld et le
poète Segrais. De 1655 à
1680, elle sera étroitement liée avec La Rochefoucauld (l’auteur
des Maximes), dont elle dira : « M. de La Rochefoucauld m’a donné
de l’esprit, mais j’ai réformé son cœur. » La Rochefoucauld
présente Marie-Madeleine de La Fayette à beaucoup de grands esprits
littéraires du temps, y compris Racine et Boileau. 1669 voit la
publication du premier tome de Zaïde, un roman hispano-mauresque
édité sous la signature de Segrais mais presque certainement dû à
La Fayette. Le deuxième volume est apparu en 1671. Zaïde fut
l’objet de rééditions et de traductions notamment grâce à la
préface de Huet.
- En 1678 parait
son roman le plus célèbre qui passe pour être une anticipation
du roman psychologique, 'La Princesse de Clèves'.Cette œuvre, dont
le succès fut immense, passe souvent pour être le premier véritable
roman français et un prototype du début du roman psychologique.
- Après la mort de
son mari et de son ami La Rochefoucauld, elle écrit 'Mémoires de la
Cour de France pour les années 1688 et 1689', qui ne seront publiés
qu'après sa mort.
Trois de ses
ouvrages ont été édités à titre posthume : La Comtesse de Tende
(1718), Histoire d’Henriette d’Angleterre (1720) et Mémoires de
la Cour de France (1731).
-
La fin de sa vie
La mort de La Rochefoucauld en 1680 puis de son mari en 1683 la conduit à mener une vie sociale moins active dans ses dernières années. Elle s'est clairement retirée de la vie mondaine, afin de se préparer à la mort, avec une perspective eschatologique, très présente à l'époque.
LE CONTEXTE HISTORIQUE DE LA PRINCESSE DE MONTPENSIER
Date
|
L'élan
Spirituel
|
Entre
tolérance civile et guerres de religion en France
|
L'effervescence
intellectuelle et artistique
|
1480
-1490
|
L’humanisme évangéliqueDepuis les XIIe-XIIIe siècles, progrès de la conscience individuelle qui entraîne l’idée d’une responsabilité plus grande et une angoisse du salut (dogme du purgatoire ; indulgences, pèlerinages, intercession des saints…) .Désir de réforme : au cours du XVe siècle, mouvement de la stricte observance, diffusion de la devotio moderna (1420, Imitation de Jésus-christ par Thomas a Kempis). Combat pour la diffusion de l’Ecriture : Lefèvre d’Etaples (v.1460-1536) ; Erasme de Rotterdam (1469-1536). |
« L’enchantement des découvertes » (XVe - 1ère moitié du XVIe siècle)- 1486 : Pic de la Mirandole, De la dignité humaine, 1er « manifeste de l’humanisme ». |
|
1490
-1500
|
|||
-
1492 : 1er voyage de C.Colomb
- 1494 :
2ème voyage
- 1497-1499 :
voyage de Vasco de Gama
- 1499 :
3ème voyage de C.Colomb.
|
|||
1500
-1510
|
|||
- 1500 :
Cabral découvre le Brésil.
- 1502 :
2ème voyage de Vasco de Gama.
- 1508 :
Michel Ange entreprend les fresques de la chapelle Sixtine,
terminées en 1512. Raphaël décore les appartements du Vatican.
- 1509 :
Erasme, Eloge de la folie.
|
|||
1510
-1520
|
La Réforme
- 1517 :
les 95 thèses de Luther. Dénonciation des indulgences et
critique de la papauté.
|
- 1513 :
Machiavel, Le Prince.
- 1516 :
Léonard de Vinci en France. Thomas More, Utopia.
- 1519-1522 :
1er tour du monde, Magellan et El Cano.
|
|
1520
-1530
|
- 1520 :
publication de plusieurs ouvrages de Luther (Sola fide, sola
scriptura).
- 1527 :
la Suède et le Danemark gagnés à la Réforme.
- 1528 :
Réforme à Berne.
- 1529 :
Réforme à Bâle et à Mulhouse.
|
L’espoir déçu de l’évangélisme français- 1521 : excommunication de Luther.
- 1521-1522 :
destruction violente des images à Wittenberg par Carlstadt
(Reforme radicale).
- 1529 :
Louis Berquin, traducteur d’Erasme, est exécuté.
|
- 1524 :
Erasme, Du libre arbitre.
|
1530
-1540
|
- 1536 :
Calvin écrit De l’institution de la religion
chrétienne : comme Luther, justification par la
foi seule et non par les œuvres mais accentuée (double
prédestination) ; l’Ecriture est le seul texte normatif ;
eucharistie : présence réelle spirituelle mais non
corporelle.
|
- 1534 :
affaire des Placards. A Paris, Tours, Orléans, Blois, Rouen et
Amboise, affichage d’un manifeste imprimé à Neufchâtel
dénonçant l’eucharistie et la messe.
|
- 1532 :
Rabelais, Pantagruel
- 1534 :
Gargantua. Jacques Cartier est au Canada.
- 1536 :
Michel Ange peint le Jugement dernier à la chapelle Sixtine.
- 1537 :
Chambord, entrepris en 1519, est terminé.
|
1540
-1550
|
Réponses catholiques
- 1540 :
approbation par le pape des statuts de la Compagnie de Jésus (les
Jésuites).
- 1545-1563 :
Concile de Trente. L’objectif n’est pas de trouver un accord
avec les hérétiques mais de définir le dogme catholique.
Sources de la foi :
autorité de la Bible reconnue mais, à la différence des
protestants, les traditions écrites
et non écrites
qui l’éclairent sont aussi admises (Commentaire des Pères de
l’Eglise).
Le
salut : l’homme
doit conjuguer la grâce, don de Dieu, avec les œuvres, qui
relèvent de sa liberté. Confirmation de l’existence du
purgatoire ; valeur des indulgences.
Les
sacrements : 7. dogmes de la transsubstantiation : lors
de l’eucharistie, transformation du vin et du pain en corps et
sang du Christ ;persistance de la présence réelle après la
consécration.
L’œuvre
disciplinaire :
un nouvel épiscopat ; modèle du bon prêtre ;renforcement
de la papauté. Rôle de Charles Borromée (1538-1584), évêque
de Milan ; importance des jésuites et des capucins.
|
- 1542 :
création de l’inquisition romaine. Elle n’a fonctionné qu’en
Italie.
- 1545 :
massacre des Vaudois.
- 1546 :
exécution d’Etienne Dolet
|
- 1543 :
traité de Copernic. Vésale préconise la méthode expérimentale
en médecine.
- 1547 :
Michel-ange est architecte officiel de la papauté. Travaux de la
coupole de Saint Pierre.
- 1548 :
Rabelais, Quart livre.
- 1549 :
Du Bellay, Défense et illustration de la langue française.
|
1550
-1560
|
- 1558 :
création de l’Académie de Genève.
- 1560 :
fondation de l’Eglise nationale écossaise prebytérienne.
|
- 1553 :
exécution de Michel Servet à Genève.
- 1559 :
Paul IV publie le premier Index des livres interdits.
|
- 1556 :
formation de la Pléiade (Ronsard, Du Bellay…).
|
1560
-1570
|
- 1564:
confession de foi anglicane d’Elisabeth.
|
Crise d’Amboise et avènement politique des partisans de la concorde religieuse
- 1560 :
la conjuration d’Amboise. Les conjurés protestants veulent
délivrer le roi de l’emprise des Guises.
- 1560 :
assemblée de Fontainebleau. Les « moyenneurs »
au pouvoir, humanistes érasmiens comme Jean de Monluc, évêque
de Valence ou Michel de L’Hospital, chancelier, veulent obtenir
la concorde d’où l’idée d’un concile national. Chez les
protestants, Sébastien Castellion, du Bugey, est partisan de la
tolérance religieuse.
- 1561 :
colloque de Poissy. Intransigeance à la fois des
calvinistes (Théodore de Bèze) et des catholiques (légat du
pape et le général des Jésuites).
Guerres de religion
-
1561-1562 : déferlement de l’iconoclasme huguenot
(séparation de manière visible entre le profane et le sacré ;
recomposition de la sacralité : les images sont proscrites).
- 1561 :
édit de Janvier ou Saint-Germain. Pari par Catherine de
Médicis et Michel de L’Hospital de la tolérance civile.
Distinction entre le citoyen et le chrétien, entre l’ordre
temporel et spirituel.
- 1562 :
massacre de protestants à Wassy par l’escorte du duc de Guise.
1ère
guerre de religion.
- 1562 :
bataille de Dreux. Défaite des troupes protestantes du prince de
Condé. Edit d’Amboise qui reconnaît la liberté de conscience
et autorise le culte dans certains lieux.
-
1566 Mariage de Renée d'Anjou et du Prince de Montpensier / le
Prince de Montpensier repart à la guerre peu de temps après son
mariage.
- 1567 :
deuxième guerre de religion. Marie
et Chabannes à Champigny. La paix de Longjumeau reprend les
termes de l’édit d’Amboise.
Retour du P de M à
Champigny. Episode de la rivière : le duc d'Anjou est à son tour
séduit. Rivalité entre Anjou et Guise
- 1568-1570 :
3ème
guerre de religion. Paix de Saint-Germain : liberté de culte
et 4 places fortes accordées (La
Rochelle, Cognac, La Charité-sur-Loire et Montauban).-
la cour : Mariage de
Charles IX et d'Elizabeth d'Autriche // mariage de Catherine de
Guise ( soeur d'Henry de Guise) avec le Duc de Montpensier ( père)
// la Princesse de Montp. Est reçue par la reine Catherine de
Médicis. // De Guise reconquiert le coeur de Marie. Le bal masqué
/Rdvs nocturne / Départ de Chabannes pour Paris. // Marie ss nouvelles de Guise tombe malade.
|
|
1570
-1580
|
- 1572 :
massacre de la Saint-Barthélemy. 4ème guerre de
religion. Mort de Chabannes //
mort de Marie qqs temps après
- 1573-1575 :
organisation de l’Union du Midi, véritable république qui se
place sous la protection d’Henri de Navarre, futur Henri IV.
- 1574-1576 :
5ème guerre de religion. L’union des Malcontents
contre la monarchie (catholiques modérés et réformés contre
les troupes royales).
- 1575 :
la « paix de Monsieur » ou édit de Beaulieu. Culte
réformé autorisé partout sauf à Paris, 8 places de sûreté,
chambres mi-parties.
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Victoire de l’idéologie absolutiste et affirmation des littératures nationales
- 1576 :
Jean Bodin, La République (6 livres).
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1580
-1590
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- 1585 :
ralliée par Henri III (1574-1589), une ligue catholique, opposée
à la paix de Beaulieu parvient à faire proclamer l’édit de
Nemours qui ordonne aux protestants d’abjurer.
- 1585-1589 :
8ème guerre de religion. Crise de légitimité de la
royauté. Henri III est assassiné.
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- 1580 :
Montaigne, Les Essais (livres I et II).
- 1584 :
achèvement du palais de l’Escorial (Madrid).
- 1588 :.
Montaigne (livre III).
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1590
-1600
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- 1593 :
abjuration d’ Henri IV.
- 1594 :
sacre d’Henri IV.
1598 :
édit de Nantes. Paix de Vervins.
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- 1590-1601 :
Shakespeare, grands drames historiques (Richard III, Roméo et
Juliette, Le Marchand de Venise, Henri IV, Jules César…).
- 1596 :
Etienne Pasquier, Les Recherches de la France.
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